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PIB du Nigeria : guerre des chiffres entre Akinwumi Adesina et l’équipe de Tinubu

Une vive controverse oppose ces derniers jours Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD), à l’entourage du président nigérian Bola Tinubu. En cause : une déclaration d’Adesina faite le 2 mai dernier lors d’un forum à Lagos, où il affirmait que le produit intérieur brut (PIB) par habitant du Nigeria est aujourd’hui inférieur à celui de 1960. « Le PIB par tête est actuellement de 824 dollars, contre 1 847 dollars en 1960 », a-t-il déclaré, suscitant une réaction immédiate de la présidence.

Dans une réponse vigoureuse, Bayo Onanuga, conseiller spécial de Tinubu pour l’information et la stratégie, a dénoncé des chiffres « grossièrement inexacts » et « non vérifiés ». Selon le conseiller spécial, le PIB du Nigeria en 1960 ne s’élevait qu’à 4,3 milliards de dollars pour une population de 45 millions d’habitants — ce qui donnerait un PIB par tête d’environ 93 dollars, bien loin des données avancées par Adesina.

Onanuga poursuit  en rappelant que « le PIB du Nigeria n’a commencé à croître de manière significative qu’à partir des années 1970, avec l’essor des revenus pétroliers ». Il cite notamment une progression de 12,5 milliards de dollars en 1970 à 164 milliards en 1981, le revenu par habitant culminant alors à 2 187 dollars avant de retomber à 1 844 dollars en 1982. En 2014, après rebasage, il aurait atteint un pic de 3 200 dollars.

La présidence ne se contente pas de contester les chiffres : elle critique également la méthode d’analyse d’Adesina, l’accusant de tirer des conclusions sur la pauvreté ou le développement humain en se fondant uniquement sur le PIB par habitant. « Le PIB par tête n’est pas un indicateur fiable pour juger du niveau de vie des populations », affirme Onanuga. « Il sert principalement à comparer la production économique d’un pays à un autre. »

Cette passe d’armes statistique survient dans un contexte politique tendu. Certains observateurs voient dans la sortie d’Adesina une allusion à une possible candidature à l’élection présidentielle nigériane de 2027. La présidence, de son côté, tente de minimiser cette hypothèse : « Nous ne considérons pas le président de la BAD comme une menace politique pour l’administration Tinubu », a assuré Onanuga.

En définitive, cette querelle illustre à quel point les chiffres peuvent être maniés, interprétés — voire instrumentalisés — en fonction des intérêts en jeu. Comme le rappelait avec justesse Alfred Sauvy : « Les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d’être torturés, finissent par avouer tout ce qu’on veut leur faire dire».

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