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Haïti : un gang menace de tuer 17 missionnaires pris en otages

Un gang haïtien menace de tuer les 17 missionnaires américains et canadien qu’il a enlevés samedi.

Des menaces proférées en pleine rue. Wilson Joseph, le dirigeant du gang haïtien 400 Mawozo, a menacé de tuer les 17 missionnaires américains et canadien enlevés samedi dernier. Dans une vidéo filmée mercredi dans les rues de Croix-des-Bouquets, près de la capitale Port-au-Prince où avaient lieu les obsèques pour cinq membres du gang tués par la police, l’homme clame : «Je préfère être foudroyé que de ne pas obtenir ce dont j’ai besoin. Vous voyez ces Américains, je préfèrerai les tuer et vider une grosse arme dans chacune de leur tête. Je pense ce que je dis.» Des menaces violentes, pour mettre la pression sur les États-Unis et obtenir le million de dollars exigé pour la libération de chacun d’entre eux. Les 17 otages, 16 Américains et un Canadien, sont venus en Haïti dans le cadre d’une mission pour l’organisation Christian Aid Ministries, fondée par des croyants amish et mennonites. Parmi eux se trouvent cinq enfants, âgés de huit mois à 15 ans, précise le «New York Times».

Reportage :En Haïti, les gangs font la loi

Cet enlèvement de missionnaire étranger remet au coeur de l’actualité l’insécurité en Haïti, qui a été secoué par plusieurs crises ces dernières semaines, notamment l’assassinat du président Jovenel Moïse, tué par un commando qui a fait irruption dans le palais présidentiel en pleine nuit, en juillet dernier. Au moins 119 personnes ont été enlevées par des gangs dans le pays depuis le début du mois d’octobre, selon le Centre d’analyse et de recherches en droits humains, qui a recensé 782 enlèvements depuis le début de l’année.

« Les Haïtiens sont victimes de leur histoire »

Le gang des 400 Mawozo est celui qui avait enlevé, au printemps, les religieux français Michel Briand et Agnès Bordeau, ainsi que quatre autres pères haïtiens. Le père Michel, 67 ans dont 36 à vivre en Haïti, avait raconté à Paris Match leur enlèvement et les 20 jours de captivité qui ont suivi : «On était sidérés, on ne se disait rien. Et puis le chef du gang a pris l’un d’entre nous à part pour lui parler. Il ne savait pas qui nous étions. « Père », ça ne lui disait pas grand-chose. Comme il y avait deux blancs dans la voiture, il a dû se dire qu’il y avait quelque chose à faire.»

Dès les premiers jours de captivité, les otages ont entamé le dialogue avec leurs ravisseurs : «On s’est aperçu qu’ils étaient d’anciens détenus évadés, rejetés par leur famille. Le gang était le lieu où ils avaient trouvé refuge. C’est paradoxal, mais leur humanité m’a impressionnée, leur solidarité entre eux. Ils partagent tout, les cigarettes, les joints, ils s’entraident. On pense que ce sont des brigands sauvages. La réalité est plus complexe. La plupart ont 18, 20 ou 25 ans, ils ont déjà femmes et enfants. Nous, on discutait, on priait. On regardait les étoiles. La nuit, on voyait l’ombre d’un rat se dessiner sur une branche. On essayait de fraterniser avec nos geôliers sans trop se dévoiler, en laissant une distance.» Le père Michel a lui aussi affaire à Wesley Michel, surnommé «Mort sans jour», qui dans leur cas aussi avait réclamé un million de dollars par otage : «Il m’a dit qu’il avait besoin de creuser des puits pour l’eau potable, de construire une école et un hôpital. Je lui ai demandé s’il croyait vraiment qu’il obtiendrait ces résultats en utilisant ces moyens. La violence entraîne toujours la violence qui n’aboutit à aucun résultat. Je lui ai parlé de Gandhi. « Toi tu n’es pas un sot », a souri le chef. J’ai l’impression qu’ils sont tous pris dans un engrenage de violence, ils n’ont aucun recul. Le chef joue les durs, les autres l’imitent.»

Finalement libéré après trois semaines sous la coupe du gang, le père Michel est resté vivre en Haïti, qu’il avait découvert lors de sa coopération militaire dans les années 70 : «Les Haïtiens sont victimes de leur histoire. Ils se déchirent entre eux, ils sont le diable pour leurs frères et pour eux-mêmes. Il faudrait plus de spiritualité pour les sauver. Mais il n’y a pas de raison pour que je ne reste pas ici».

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