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Côte d’Ivoire : un an après son retour, Laurent Gbagbo sur un fil

Après dix ans de démêlés judiciaires à la  Cour pénale internationale, beaucoup dinconnues planent sur les ambitions et la stratégie politique de lancien président, de nouveau absent du pays depuis un mois et demi

Dans leffervescence de son retour en Côte dIvoire, portés par la clameur de milliers de partisans massés au bord des avenues, ses fidèles avaient annoncé leur intention de célébrer, chaque année, « la renaissance » de leur leader Laurent Gbagbo. Mais un an après laccueil triomphal réservé à lancien président ivoirien sur le tarmac de laéroport dAbidjan, ses supporteurs sont invités à patienter encore quelques mois. Repoussée à deux reprises, « la fête de la renaissance » a finalement été reportée au 31 mars 2023, jour de la confirmation de son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) en 2021, il était poursuivi pour crimes de guerres et crimes contre lhumanité commis lors des violences qui avaient suivi la présidentielle de 2010

Côte dIvoire : le nouveau parti de Laurent Gbagbo à lépreuve du terrain .Car comment envisager lorganisation d‘un tel 

événement sans le principal intéressé ? Laurent Gbagbo est absent du pays depuis un mois et demi. En Belgique depuis le 5 mai réside toujours un de ses fils Rais, de sa relation avec sa compagne Nady Bamba, lancien président devait rentrer la semaine dernière en Côte dIvoire, avant de décider de prolonger son séjour « privé »

Souriant et fatigué 

Dans une courte vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, on laperçoit souriant fatigué disent ses détracteurs entouré des stars du zouglou Yodé et Siro. « Son emprisonnement pendant huit ans la affecté, on ne va pas se le cacher », glisse un proche. Lancien président est soumis à des contrôles médicaux en Europe. Quant aux rumeurs sur la difficulté à boucler le budget pour organiser les festivités, elles sont balayées dun revers de la main par ses fidèles

Laurent Gbagbo : Nady Bamba, Assoa Adou, Habiba Touré... Qui sont les fidèles de l’ancien président ivoirien

Au Parti des Peuples Africains Côte dIvoire (PPACI), sa formation politique née de la rupture avec le Front populaire ivoirien (FPI) laissé à Pascal Affi NGuessan, ce report doit permettre de se concentrer sur la finalisation de linstallation de toutes les structures de base du parti. Lentreprise a pris du retard, moins évidente quattendue huit mois après le congrès constitutif du PPACI qui a acté le grand retour dans larène politique de lancien chef de lÉtat ivoirien. Son président exécutif, Hubert Oulaye, reconnait « quelques ratés au départ » mais souligne une détermination politique intacte : « Notre combat est que nous puissions nous imposer électoralement grâce au renforcement de nos structures. » 

Le temps presse. Les élections locales de 2023, premier grand test électoral pour le parti, approchent. Le PPACI compte à cette occasion sur son alliance avec le Parti démocratique de Côte dIvoire (PDCI) dHenri Konan Bédié avec qui les relations seraient au beau fixe. « Nous souhaitons que cette alliance se renforce et se consolide », affirme Hubert Oulaye, conscient de la nécessité de cette association plus stratégique quidéologique. « Chacun dans son parti voit bien lintérêt dêtre ensemble dans un contexte dominé par le RHDP », poursuitil

Des gages au gouvernement 

Alliés lors des précédentes législatives en 2021, les deux partis se sont entendus récemment pour soutenir le candidat de la majorité présidentielle à lAssemblée, Adama Bictogo. Un ralliement qui a provoqué lincompréhension dans les rangs du PPACI, même chez les plus fervents soutiens de lancien président. Son porteparole, Justin Koné Katinan, qui rejette le terme de « ralliement », évoque « un acte symbolique » visant à dénoncer « le recul démocratique » dans le pays et à soutenir la réconciliation, dans un contexte le parti présidentiel, majoritaire à lAssemblée, laurait emporté sans le soutien de lopposition. « Si nous avions présenté un candidat et voté pour lui, nous aurions envoyé au monde entier le message que la démocratie marche bien en Côte dIvoire. Or, nous considérons que les conditions démocratiques ne sont pas réunies en raison dun manque de réconciliation ». Une stratégie << par labsurde » expliquetil. Ce qui a de quoi dérouter

Côte dIvoire : Simone Gbagbo, la future ex épouse quil faut ménager .Pour le politologue GeoffroyJulien Kouao, ce soutien relève plutôt « du réalisme politique ». Un « réalisme » qui a un prix : « Labsence de candidature de lopposition à lélection du président de lAssemblée nationale prend valeur de capitulation devant le parti présidentiel qui en tirera forcément des avantages »

Hubert Oulaye reconnait en effet la nécessité pour son camp dapporter « des gages » au gouvernement, denvoyer « des signaux » en faveur de la réconciliation. « Lorsque nous avons appris la possible rencontre entre les trois grands [Ouattara, Bédié, Gbagbo], nous avons pris la décision, à notre tour, denvoyer un signal au gouvernement en soutenant leur candidat à lAssemblée », affirme celui qui est aussi le président du groupe parlementaire Ensemble pour la démocratique (EDS), dont le PPACI est la composante principale, et qui compte 18 députés

Statut et questions électorales 

Car certains points coincent toujours. Depuis son retour, Laurent Gbagbo na pas reçu ses indemnités dancien président, dont les arriérés cumulés sur dix ans. « Il devrait avoir droit à une sécurité, une résidence », simpatientent ses proches qui réclament « le respect intégral de son statut ». Si la délivrance du passeport à son ancien ministre Charles Blé Goudé est salué, le PPACI continue de plaider pour le retour de lancien président de lAssemblée nationale Guillaume Soro et celui des autres exilés

Mais le point de crispation le plus vif réside dans la réforme de la Commission électorale indépendante (CEI).« Pour le PPACI, sa présence à la CEI est nonnégociable. Cela peut être un point de rupture pour nous. Nous attendons, mais nous nallons pas attendre indéfiniment », affirme Justin Koné Katinan. Une délégation du parti a été reçue ce mercredi 15 juin par le ministre de lIntérieur Vagondo Diomandé qui a piloté la cinquième phase du dialogue politique auquel le PPACI a pris part. « Ils nous a assuré que tout évolue bien. » 

Côte dIvoire : Charles Blé Goudé, l’oublié de La Haye 

Limage d’Alassane Ouattara et de Laurent Gbagbo, main dans la main, fin juillet, semble aujourdhui bien lointaine. Le premier reproche au second certaines de ses sorties médiatiques. Sa visite dans louest de la Côte dIvoire, lune des régions qui paya un lourd tribut lors de la crise, notamment à Duékoué, verrou stratégique vers le port de San Pedro, fut source de tensions. Malgré un discours dappel à la réconciliation de lancien président, ce déplacement a été perçu par ses détracteurs comme un risque de réveiller les vieux démons

JA

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