Des marches d’une ampleur inédite depuis plusieurs années ont eu lieu dans le pays. Initialement organisées pour protester contre l’insécurité, elles se sont muées en manifestations de colère contre le président.
Combien étaient-ils mardi 16 novembre à arpenter les grandes artères de Ouagadougou pour protester contre les exactions des groupes terroristes qui endeuillent les Burkinabè ? Des milliers ? Plusieurs dizaines de milliers ? Cela faisait des années qu’on n’avait vu pareille mobilisation.
Au lendemain de l’ultimatum que lui a lancé l’opposition pour mettre fin aux actions sanglantes des terroristes, Roch Marc Christian Kaboré va devoir composer avec un nouveau front : la colère grandissante d’une partie de ses compatriotes qui se sentent « abandonnés » face à la violence des groupes terroristes alliés au groupe État islamique (EI) et à Al-Qaïda.
Colère crescendo
Comme une onde de choc, les manifestations hostiles au régime du président Kaboré, réélu il y a près d’un an pour un second et dernier mandat, se sont étendues de la capitale à plusieurs villes comme Bobo-Dioulasso, Dori, Titao, Kantchari. « Nous sommes désormais à un tournant dans la lutte contre le terrorisme. Soit le régime reconnaît ses erreurs et se rattrape en posant des actes forts pour regagner la confiance du peuple, soit il reste dans le déni, explique Mahamoudou Sawadogo, expert burkinabè en sécurité. La situation va alors s’empirer et la colère populaire ira crescendo. »
Dans tous les rassemblements, les slogans ont dépassé les questions sécuritaires pour devenir politiques. Les manifestants réclamaient le départ de Roch Marc Christian Kaboré et de son gouvernement. La mobilisation s’est poursuivie mercredi 17 novembre dans certaines villes comme Kaya. Cette ville, située à 100 km au centre-nord de la capitale, a vu sa population tripler ces derniers mois à cause de l’arrivée de déplacés venus des zones où l’insécurité est forte.
« Le président Kaboré a failli à son serment de protéger et de défendre notre pays. Il doit donc tirer les conséquences de son échec, et sa démission est la conséquence logique de sa gestion calamiteuse », martèle Marcel Tankoano, membre du directoire national du Mouvement populaire « Sauvons le Burkina Faso ».
Sauver le Faso
À l’initiative de cette fronde, ce Mouvement qui dit agréger environ 200 organisations de la société civile explique avoir été débordé par l’ampleur de la mobilisation. Il tient à clarifier le sens de sa lutte. « Nous n’avons aucun agenda politique caché. L’urgence est de sauver le Faso. Nous n’avons pas chassé Blaise Compaoré en 2014 pour laisser ce pays s’effondrer aujourd’hui », avance Tankoano, qui n’exclut d’autres actions.
En six ans, les violences, parfois mêlées à des affrontements intercommunautaires, ont fait environ 2 000 morts et contraint 1,4 million de personnes à fuir leurs foyers, principalement dans le nord du Burkina Faso.
Dimanche 14 novembre, l’armée avait annoncé la mort de 20 soldats du détachement d’Inata, dans le Soum. Un bilan qui s’est depuis alourdi à 53 tués, parmi lesquels 49 soldats, alors que des rumeurs persistantes que Jeune Afrique n’a pu confirmer évoquent des pertes plus élevées.
Pendant que l’exécutif déclarait avoir neutralisé près de 90 présumés terroristes qui tentaient d’attaquer le détachement du groupement de sécurisation et d’intervention rapide stationné à Toéni, dans le Nord-Ouest, une note circulant sur les réseaux sociaux affirme que les soldats tombés à Inata manquaient de rations alimentaires.
Si l’information n’a pas été confirmée par les autorités, mercredi 17 novembre, le président Kaboré a tout de même dit à demi-mot son indignation sur le fait que des soldats aient pu manquer de ravitaillement et ne pas recevoir leurs primes. Il a promis une enquête et des « sanctions sans exception ».