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Au Soudan, une mathématicienne invente un diagnostic pour une maladie tropicale négligée

Les sciences changent la vie des Africaines (1). Hyam Ali, scientifique de 28 ans qui travaille à Khartoum, a obtenu le prix Jeunes Talents 2021 du programme For Women in Science Africa.

L’œil rivé sur son microscope, Hyam Ali examine des souches. Au ronronnement des machines de son laboratoire, la jeune femme préférerait un fond musical, elle qui n’aime guère le silence. Pourtant, elle ne se plaint de rien dans ce quartier verdoyant du sud de Khartoum, où coule le Nil bleu. C’est là, dans l’Hôpital universitaire de Soba, qu’est installé le laboratoire de cette post-doctorante brillante, qui a déjà mis au point un diagnostic permettant de sauver des vies.

Présentation de notre série Les sciences changent la vie des Africaines

Si l’invention de Hyam Ali concernait une maladie de l’hémisphère Nord, le fruit de ses recherches serait déjà exploité et à disposition des malades. Mais la santé des plus pauvres de la planète intéresse peu les grands laboratoires. Et même si Hyam Ali, 28 ans, a mis au point un outil, aucun industriel n’est venu la courtiser parce que les maladies tropicales « se développent dans les zones reculées de pays déjà marginalisés », explique l’universitaire. Celle sur laquelle Hyam Ali travaille, le mycétome, vient d’ailleurs tout juste d’être ajoutée à la liste de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des maladies tropicales négligées tandis que la scientifique vient d’être distinguée par le prix Jeunes Talents 2021 du programme For Women in Science Africa de l’Unesco et de la Fondation L’Oréal.

Le mycétome est une maladie inflammatoire chronique qui provoque de graves déformations, jusqu’au handicap. La combattre implique de la détecter et de repérer la souche d’origine. Or, pour permettre cette avancée, Hyam Ali a mis au service de la lutte contre la maladie ses compétences mathématiques, ravie de se rendre utile à son pays, elle, la mathématicienne à qui on a longtemps reproché de ne pas choisir de devenir médecin ou ingénieure.

« Quelle drôle d’idée ! »

« Etudier les mathématiques ? Quelle drôle d’idée ! », « Ça ne va pas te servir à grand-chose ici. » « Tu ne trouveras pas de travail. » Sourire aux lèvres, Hyam Ali énumère la litanie de remarques qui ont ponctué son adolescence, lorsqu’elle évoquait son souhait de poursuivre des études de mathématiques à l’université. Son entourage aussi émettait des réserves, répétant à la jeune passionnée de sciences que d’autres disciplines la rendraient « plus utiles pour son pays ».

Mais Hyam Ali a très tôt décidé de ne rien lâcher. Comme si elle pressentait quelle était sa voie. Son tempérament, son moral d’acier, elle les tient de son père, forgeron, qui a tenté sa chance, sans aucun diplôme, en Arabie saoudite. Raison pour laquelle Hyam est née de l’autre côté de la mer Rouge, dans la ville saoudienne de Taïf, et n’a découvert Khartoum qu’à l’âge d’apprendre à lire et à écrire.

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« Mon père, mes sœurs et certains de mes professeurs ont cru en mon potentiel et ont respecté mes choix », rappelle-t-elle. De quoi la rendre suffisamment sûre d’elle au moment de son orientation pour faire fi de « la pression sociale » et suivre un master en sciences informatiques à l’Université de Khartoum, avant de s’envoler pour le Ghana pour une année de spécialisation à l’Institut africain des sciences mathématiques.

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