À côté des champignons se trouvaient de minuscules choses noires. Pas de doute possible, c’était bien des fourmis. Le maître d’hôtel m’avait assuré qu’elles étaient très savoureuses : “Elles apportent une note acide et fruitée”. C’était vrai.

Les insectes, des superaliments

Je sais bien que “la consommation d’insectes est une pratique traditionnelle pour un tiers de la population mondiale, principalement en Amérique latine, en Afrique et en Asie”, pour reprendre les mots d’un abrégé de la Bibliothèque nationale de médecine.

De nombreux amis – qui n’ont généralement tenté l’expérience qu’une seule fois – m’ont également affirmé que les fourmis volantes, frites ou grillées au feu de bois, sont juteuses et délicieuses, mais je ne garantis rien.

N’est-ce pas un peu bizarre que certaines personnes trouvent impensable de manger des insectes, mais salivent d’envie devant des huîtres, se délectent de moules et d’escargots imbibés d’ail, et soient accros au crabe mou ?

C’est en échangeant avec Eric Amonsou, un chercheur en alimentation de Durban [en Afrique du Sud], que le souvenir des fourmis polonaises m’a assailli. “Les insectes font partie des superaliments, m’expliquait-il. Ils sont riches en protéines, leur élevage nécessite moins de terre, d’énergie et d’eau que l’élevage traditionnel et laisse une empreinte carbone beaucoup plus faible. Quand je suis allé à l’université du Venda, à Thohoyandou, j’ai vu des vers mopane et d’autres insectes sur les étals des marchés. En Europe, la recherche est très active dans ce domaine, on y étudie notamment des farines et des poudres nutritives pour sportifs à base de criquets.”

Pour qui n’en a pas l’habitude, manger des insectes peut être une véritable épreuve. Eric Amonsou est le premier à l’admettre : “Dans certaines parties du Bénin, d’où [je] viens, les gens consomment des insectes, mais pas dans mon village. Je n’en ai jamais goûté personnellement.”

Les possibilités de recherche et développement dans ce domaine sont très nombreuses en Afrique du Sud, affirme le chercheur. Il est facile d’élever des insectes en cage tout en préservant l’environnement. “J’ai rencontré d’éventuels partenaires en France, témoigne Eric Amonsou. Mais à ma connaissance, notre gouvernement ne fait rien pour encourager ou faciliter ces démarches.”

Lutter contre la malnutrition

Au premier abord, les sciences de l’alimentation ne sont pas le volet le plus séduisant de la gastronomie. Mais c’est un secteur d’avant-garde, et tant mieux, au vu des données démographiques. La population mondiale s’élève aujourd’hui à 7,9 milliards d’individus et devrait atteindre 8,5 milliards.

Wanda Hennig