A travers la reprise des combats au Nord Mali se dessinent de nouvelles coalitions sécuritaires au niveau régional. Un prélude à un conflit plus étendu?
Des soldats de l’armée malienne. – Sipa Press
Les faits – Samedi, les putschistes au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont lancé une alliance des États du Sahel et adopté une charte du Liptako Gourma au terme de laquelle les nouveaux alliés s’engagent à se prêter main forte contre les mouvements djihadistes et insurrectionnels.
La paix fragile n’existe plus au Nord Mali. Le 12 septembre, les anciens rebelles, rassemblés au sein de la
Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ont attaqué une base de l’armée malienne à Bourem, à
90 kilomètres au nord de Gao. Les combats ont été très intenses. Les assaillants ont pénétré dans le
camp des Forces armées maliennes (Fama), ont emporté des armes, et sont repliés. Ils ont perdu au
passage deux de leurs chefs militaires. Le mode opératoire laisse à penser que les combattants d’lyad Ag
Ghali, le chef du puissant Groupe pour le soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, al–Qaïda) ont
participé aux combats. L’offensive a été lancée par deux attaques de véhicules suicides.
| A lire aussi: Au Mali, le vide sécuritaire après le départ des casques bleus
<< Il y avait une certaine porosité entre le GSIM et la CMA depuis longtemps, confie un analyste du Nord
Mali. Mais, là, on assiste à des actions coordonnées afin de répondre à la menace des Fama. >> Ce huis
clos entre belligérants s’est noué dans les jours qui ont suivi le retrait des casques bleus de la zone,
poussés vers la sortie par la junte après dix années de présence. Il doit s’achever le 31 décembre. Les
soldats onusiens ont commencé à remettre les clés de certains camps qu’ils occupent, comme à Ber en août, à l’armée malienne dont les troupes se sont empressées de les occuper.
La CMA dénonce la rupture des Accords de paix d’Alger de 2015. Ce texte prévoit un processus négocié
pour le désarmement et l’incorporation des ex–rebelles dans l’armée. Son application n’est jamais allée
au–delà d’un début de cantonnement et de la réalisation de patrouilles mixtes, essentiellement
symboliques.
La légitimité de la junte repose sur les promesses faites aux populations du Sud de reconquête du Nord Mali « }
Combats fratricides. << L’ONU nous a trahis, confie un responsable de la CMA. Elle a remis les clés de Ber
deux jours plus tôt que prévu afin que nous n’occupions pas le camp. » Afin d’asseoir son pouvoir sur place, Bamako essaye de coopter des élites politiques et économiques locales. La reprise des bases a été scénarisée au plus haut par le colonel Sadio Camara, ministre de la Défense, en lien avec Moscou et le groupe paramilitaire Wagner. Le président de la transition, Assimi Goïta, réticent, s’est finalement laissé convaincre. << La légitimité de la junte repose sur les promesses faites aux populations du Sud de reconquête du Nord Mali », ajoute l’analyste.
Bamako s’est doté récemment de nouveaux aéronefs et de drones de combat et de surveillance turc TB2.
Il évite aussi les affrontements avec l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), en espérant que le groupe
jihadiste affaiblisse le GSIM dans des combats fratricides. « L’armée malienne, qui monte en puissance, va
vouloir occuper les bases de Tessalit, d’Aguelhok et de Kidal pour chasser les indépendantistes, prédit un
haut gradé français. Et la CMA va complétement basculer dans l’orbite militaire du GSIM pour contrer ce
dessein. >>
Le GSIM a des accords tacites et partage une homogénéité clanique avec les groupes armés touaregs et
arabes de la CMA. Iyad Ag Ghali impose depuis le 8 août un blocus de la ville de Tombouctou. Il a aussi
attaqué le 7 septembre un bateau de transport de passagers sur le fleuve Niger. Un message implicite
adressé aux élites locales qu’il est le véritable maître de la zone, même si les Fama sont retranchés dans
certaines bases.
Le patron du GSIM et les chefs militaires d’al–Qaïda sont les véritables penseurs de la lutte armée. Ils se
préparent à une longue guerre. La stratégie est de harceler les Fama, dans leurs bases, et à chacune de
leurs sorties. Pour ne pas trop exposer ses hommes, le GSIM cherche à détruire les pistes de décollage
du Nord Mali afin de réduire l’appui aérien. Ses troupes sont équipées de mitrailleuses antiaériennes de
calibre 14,5 mm. Ils assurent déjà avoir abattu un avion et un hélicoptère des Fama. Bamako reconnaît
avoir perdu un Soukhoi Su–25, mais pour des problèmes techniques.
« Nous avons fait revenir des combattants et des armes de Libye. Nous allons défendre notre territoire »
Contagion. Les deux belligérants se livrent à une guerre informationnelle à travers des communiqués de
presse et des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux où l’on nargue l’ennemi. La CMA a publié
récemment des images de moutons bombardés par l’aviation malienne. Elle coordonne la communication
à travers le Cima, un espace de communication sur les affaires militaires. De son côté, le ministère malien
de la Défense, avec l’appui de Wagner, enchaîne les communiqués victorieux. «< Chaque camp diffuse sa
propagande, confie un expert de l’ONU qui fait le monitoring quotidien des combats. La vérité du terrain
se trouve entre les deux, peut–être un peu plus du côté de la CMA. »
Le risque de contagion est dorénavant régional. Les dirigeants des juntes au pouvoir au Mali, au Niger et
au Burkina Faso ont signé, le 16 septembre, une charte du Liptako Gourma (une région historique de
l’Afrique de l’Ouest) en vertu de laquelle les trois pays se prêteront main forte en cas d’agression contre
l’intégrité territorial et l’indépendance d’un de leurs membres.
A lire aussi: Au Niger, la junte réveille les anciennes rébellions touaregs
De son côté, la CMA appelle tous les habitants de la région du Nord Mali à rejoindre l’armée de l’Azawad
pour contribuer à l’effort de guerre. << Nous avons fait revenir des combattants et des armes de Libye,
confie un chef rebelle à l’Opinion. Nous allons défendre notre territoire. » Un discours déjà entonné en
2012 lorsque les rebelles réclamaient l’indépendance de l’Azawad avant de revendiquer une large
autonomie dans le cadre des accords de paix.
L’alliance CMA/GSIM devrait aussi prêter main forte à leurs frères touaregs au Niger pour combattre la
junte. << lyad Ag Ghali pense son combat au–delà du Mali, conclut l’analyste. Il devrait jauger les capacités
de réaction des nouveaux maîtres des lieux à Ouagadougou et Niamey avant de pousser ses pions. >>
Etat islamique Al–Qaïda Mali Sahel
Sur le même thème
Les putschistes africains donnent de la voix à l’ONU
L’insaisissable Dmitri Sytyi, le nouveau patron de Wagner en putschistes ont défilé à la tribune des Afrique
Les représentants des régimes Nations unies jusqu’à samedi. Les…
Depuis la mort d’Evgueni Prigojine, la poursuite des intérêts du groupe de mercenaires en Afrique est assurée…
Terrorisme: Gérald Darmanin assure prendre «<au sérieux>>> les menaces d’Al–Qaïda
Le ministre de l’Intérieur est revenu mardi dans un entretien à Ouest- France sur les récentes menaces…
Walmart .
Niger: l’ambassadeur de France est «<pris en otage», affirme Emmanuel Macron
Sylvain Itté, l’ambassadeur de France au Niger, est << pris en otage » par les militaires au pouvoir et « mange ave…
Terrorisme: une branche d’Al–Qaïda menace la France d’une nouvelle «<attaque armée»>>
Dans le dernier numéro de son magazine, Al–Qaïda a menacé de frapper un << ministère » à Paris et d…
Pour s’imposer Afrique, Walmart ne lésine pas sur les moyens
Le géant américain de la distribution mise sur le e–commerce pour tenter de conquérir un marché en plein…
JM . Source/ Pascal Airault