1 décembre 2024
Paris - France
AFRIQUE

Terroristes, rebelles, armées régulières: au Sahel, les alliances se recomposent 

A travers la reprise des combats au Nord Mali se dessinent de nouvelles coalitions sécuritaires au niveau régional. Un prélude à un conflit plus étendu

Des soldats de l’armée malienne. Sipa Press 

Les faits Samedi, les putschistes au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont lancé une alliance des États du Sahel et adopté une charte du Liptako Gourma au terme de laquelle les nouveaux alliés s’engagent à se prêter main forte contre les mouvements djihadistes et insurrectionnels

La paix fragile n’existe plus au Nord Mali. Le 12 septembre, les anciens rebelles, rassemblés au sein de la 

Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ont attaqué une base de l’armée malienne à Bourem, à 

90 kilomètres au nord de Gao. Les combats ont été très intenses. Les assaillants ont pénétré dans le 

camp des Forces armées maliennes (Fama), ont emporté des armes, et sont repliés. Ils ont perdu au 

passage deux de leurs chefs militaires. Le mode opératoire laisse à penser que les combattants d’lyad Ag 

Ghali, le chef du puissant Groupe pour le soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, alQaïda) ont 

participé aux combats. L’offensive a été lancée par deux attaques de véhicules suicides

| A lire aussi: Au Mali, le vide sécuritaire après le départ des casques bleus 

<< Il y avait une certaine porosité entre le GSIM et la CMA depuis longtemps, confie un analyste du Nord 

Mali. Mais, , on assiste à des actions coordonnées afin de répondre à la menace des Fama. >> Ce huis 

clos entre belligérants s’est noué dans les jours qui ont suivi le retrait des casques bleus de la zone

poussés vers la sortie par la junte après dix années de présence. Il doit s’achever le 31 décembre. Les 

soldats onusiens ont commencé à remettre les clés de certains camps qu’ils occupent, comme à Ber en août, à l’armée malienne dont les troupes se sont empressées de les occuper

La CMA dénonce la rupture des Accords de paix d’Alger de 2015. Ce texte prévoit un processus négocié 

pour le désarmement et l’incorporation des exrebelles dans l’armée. Son application n’est jamais allée 

audelà d’un début de cantonnement et de la réalisation de patrouilles mixtes, essentiellement 

symboliques

La légitimité de la junte repose sur les promesses faites aux populations du Sud de reconquête du Nord Mali « 

Combats fratricides. << L’ONU nous a trahis, confie un responsable de la CMA. Elle a remis les clés de Ber 

deux jours plus tôt que prévu afin que nous n’occupions pas le camp. » Afin d’asseoir son pouvoir sur place, Bamako essaye de coopter des élites politiques et économiques locales. La reprise des bases été scénarisée au plus haut par le colonel Sadio Camara, ministre de la Défense, en lien avec Moscou et le groupe paramilitaire Wagner. Le président de la transition, Assimi Goïta, réticent, s’est finalement laissé convaincre. << La légitimité de la junte repose sur les promesses faites aux populations du Sud de reconquête du Nord Mali », ajoute l’analyste

Bamako s’est doté récemment de nouveaux aéronefs et de drones de combat et de surveillance turc TB2

Il évite aussi les affrontements avec l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), en espérant que le groupe 

jihadiste affaiblisse le GSIM dans des combats fratricides. « L’armée malienne, qui monte en puissance, va 

vouloir occuper les bases de Tessalit, d’Aguelhok et de Kidal pour chasser les indépendantistes, prédit un 

haut gradé français. Et la CMA va complétement basculer dans l’orbite militaire du GSIM pour contrer ce 

dessein. >> 

Le GSIM a des accords tacites et partage une homogénéité clanique avec les groupes armés touaregs et 

arabes de la CMA. Iyad Ag Ghali impose depuis le 8 août un blocus de la ville de Tombouctou. Il a aussi 

attaqué le 7 septembre un bateau de transport de passagers sur le fleuve Niger. Un message implicite 

adressé aux élites locales qu’il est le véritable maître de la zone, même si les Fama sont retranchés dans 

certaines bases

Le patron du GSIM et les chefs militaires d’alQaïda sont les véritables penseurs de la lutte armée. Ils se 

préparent à une longue guerre. La stratégie est de harceler les Fama, dans leurs bases, et à chacune de 

leurs sorties. Pour ne pas trop exposer ses hommes, le GSIM cherche à détruire les pistes de décollage 

du Nord Mali afin de réduire l’appui aérien. Ses troupes sont équipées de mitrailleuses antiaériennes de 

calibre 14,5 mm. Ils assurent déjà avoir abattu un avion et un hélicoptère des Fama. Bamako reconnaît 

avoir perdu un Soukhoi Su25, mais pour des problèmes techniques

« Nous avons fait revenir des combattants et des armes de Libye. Nous allons défendre notre territoire  » 

Contagion. Les deux belligérants se livrent à une guerre informationnelle à travers des communiqués de 

presse et des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux l’on nargue l’ennemi. La CMA a publié 

récemment des images de moutons bombardés par l’aviation malienne. Elle coordonne la communication 

à travers le Cima, un espace de communication sur les affaires militaires. De son côté, le ministère malien 

de la Défense, avec l’appui de Wagner, enchaîne les communiqués victorieux. «< Chaque camp diffuse sa 

propagande, confie un expert de l’ONU qui fait le monitoring quotidien des combats. La vérité du terrain 

se trouve entre les deux, peutêtre un peu plus du côté de la CMA. » 

Le risque de contagion est dorénavant régional. Les dirigeants des juntes au pouvoir au Mali, au Niger et 

au Burkina Faso ont signé, le 16 septembre, une charte du Liptako Gourma (une région historique de 

l’Afrique de l’Ouest) en vertu de laquelle les trois pays se prêteront main forte en cas d’agression contre 

l’intégrité territorial et l’indépendance d’un de leurs membres

A lire aussi: Au Niger, la junte réveille les anciennes rébellions touaregs 

De son côté, la CMA appelle tous les habitants de la région du Nord Mali à rejoindre l’armée de l’Azawad 

pour contribuer à l’effort de guerre. << Nous avons fait revenir des combattants et des armes de Libye

confie un chef rebelle à l’Opinion. Nous allons défendre notre territoire. » Un discours déjà entonné en 

2012 lorsque les rebelles réclamaient l’indépendance de l’Azawad avant de revendiquer une large 

autonomie dans le cadre des accords de paix

L’alliance CMA/GSIM devrait aussi prêter main forte à leurs frères touaregs au Niger pour combattre la 

junte. << lyad Ag Ghali pense son combat audelà du Mali, conclut l’analyste. Il devrait jauger les capacités 

de réaction des nouveaux maîtres des lieux à Ouagadougou et Niamey avant de pousser ses pions. >> 

Etat islamique AlQaïda Mali Sahel 

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JM . Source/ Pascal Airault