Invité de RFI, l’ancien Président du Conseil, économique social et environnemental (CESE) Idrissa Seck s’est appesanti sur les violents affrontements qui se sont déclarés au Sénégal.
Évoquant les événements tragiques qui ont eu lieu au Sénégal et ayant entraîné la mort de 16 personnes, Idrissa Seck a appelé au calme. Ainsi, l’ancien Premier ministre a demandé au président Macky Sall de clarifier ses intentions pour la prochaine élection présidentielle pour éviter davantage de violences.
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Car, dit-il, cette situation ne fera qu’empirer si le président Macky Sall annonce une candidature pour un troisième mandat. « Ce serait profondément préjudiciable au Sénégal », a-t-il lancé au micro de Rfi.
Troisième candidature de Macky Sall à la présidentielle au Sénégal: on sera fixé lors des «parrainages»
Au Sénégal, le jeu reste très ouvert à dix mois de la présidentielle de février prochain. Dans la majorité, on ne sait toujours pas si le Président Macky Sall sera candidat ou s’il prépare discrètement un dauphin pour briguer sa succession. Dans l’opposition, on ne sait pas encore si Ousmane Sonko, Karim Wade et Khalifa Sall pourront compétir tous les trois. Mais attention, avec la nouvelle règle des parrainages, l’heure de vérité approche, nous dit Babacar Ndiaye, qui est directeur de recherche et de publication dans le think tank Wathi. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Quand le président affirme qu’il n’y a pas d’obstacles constitutionnels à un troisième mandat éventuel de sa part, qu’est-ce que vous en pensez ?
Babacar Ndiaye : Écoutez, le Conseil constitutionnel devra trancher, mais il faudra voir ce que cette décision du président de la République par rapport à une éventuelle candidature, ou pas, pourra avoir comme conséquences, parce que, lorsqu’on écoute aujourd’hui l’opposition, elle affiche clairement une forme de radicalité quant à la question de cette troisième candidature. Et donc, dans la situation actuelle au Sénégal où il y a eu pas mal de tensions ces deux dernières années, il est évident que cette question du troisième mandat peut constituer un sujet de discorde entre l’opposition et le pouvoir.
Beaucoup disent que, s’il n’était pas candidat à un troisième mandat, Macky Sall aurait déjà préparé un dauphin…
Évidemment que s’il annonce qu’il n’est pas candidat, il faudra que son parti, sa coalition, Benno Bokk Yakaar, présente un candidat, et il y a des figures de premier plan justement au sein de cette coalition. Et donc de toute évidence, il est clair qu’un proche du président sera candidat de cette coalition.
Quels sont les dauphins possibles au sein de la coalition présidentielle ?
Il y a des figures de premier plan. Notamment, il y a monsieur Idrissa Seck, qui a rejoint le président de la République dans la coalition Benno Bokk Yakaarà la suite de l’élection présidentielle de 2019, où il était arrivé deuxième. Aujourd’hui, il occupe le poste de président du Conseil économique, social et environnemental et c’est quelqu’un qui a toujours affiché une ambition, justement, à occuper le poste présidentiel. Mais il y a aussi d’autres profils qui peuvent se dégager, le nom du Premier ministre Amadou Ba est cité. Nous avons aussi d’anciens ministres, par exemple Makhtar Cissé, l’ancien ministre en charge du pétrole. On peut aussi citer des ministres dans l’actuel gouvernement, par exemple Ali Ngouille Ndiaye, qui est ministre de l’Agriculture. Il faut attendre d’abord la décision du président de la République qui tranchera et dira ce qu’il compte faire par rapport à cette élection présidentielle.
Pensez-vous qu’Idrissa Seck rêve secrètement d’être le dauphin de Macky Sall pour la prochaine élection présidentielle ? Ou pensez-vous qu’il en a fait son deuil, et qu’il sera l’un des candidats de l’opposition, comme en 2019 ? Ça fait tellement d’années qu’il souhaite devenir président…
Depuis 2007, il a toujours été candidat. Lors de l’élection présidentielle de 2019, il est arrivé deuxième, avec un score intéressant, et donc il a toujours affiché cette ambition d’être président du Sénégal.
Du temps d’Abdoulaye Wade, Macky Sall et Karim Wade étaient dans le même parti, le PDS [Parti démocratique sénégalais, NDLR]. Est-ce qu’ils pourraient se réconcilier ?
Sujet difficile. Karim Wade n’est pas au Sénégal, il est au Qatar. Même si ses partisans disent qu’il sera de retour à Dakar dans les prochaines semaines, il y a beaucoup d’incertitudes sur une collaboration future ou des retrouvailles, comme vous dites, parce qu’il y a un certain nombre de revendications qui sont portées justement par le PDS, et notamment la revendication de rouvrir le procès de Karim Wade.
Depuis plusieurs années, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, est dans l’opposition. Va-t-il y rester, ou pourrait-il changer de camp ?
Il me semble que l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, montre vraiment une présence remarquée au sein de l’opposition, et surtout au sein de la coalition, Yewwi Askan Wi, dont il est l’un des principaux leaders, j’allais dire animateur. Et donc, ce qu’il montre clairement, c’est qu’il se prépare aussi pour cette élection présidentielle.
Alors l’une des grandes questions est évidemment de savoir si la figure de l’opposition, Ousmane Sonko, pourra être candidat. Est-ce que les dernières décisions de justice vont dans ce sens ?
Ousmane Sonko a été condamné à deux mois de prison avec sursis. Ce que ses partisans craignaient, c’est qu’à l’issue de ce procès justement, le jugement rendu le prive de ses droits civils et politiques, mais le jugement est tout autre, donc il reste éligible. Alors je ne sais pas si le plaignant a introduit un appel, s’il y a appel, évidemment il va y avoir un nouveau procès. Mais pour le moment, il reste éligible à cette élection présidentielle.
S’il est éligible, pensez-vous qu’il part comme favori au sein de l’opposition ?
En 2019, il a quand même fait un score de plus de 15% à l’élection présidentielle alors qu’il en était justement à sa première candidature. Et on a l’impression qu’après cette élection-là, il a montré une stature vraiment de chef de l’opposition. Maintenant, il faut savoir aussi qu’au sein de l’opposition, et notamment de la coalition Yewwi Askan Wi, il y a beaucoup de candidatures qui sont déclarées. Comme on l’a dit tout à l’heure, il y a Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar, il y a aussi monsieur Déthié Fall, monsieur Malick Gakou. Et donc, la stratégie est de dire que les leaders de la coalition soutiendront celui qui arrive au second tour et qui sera le mieux placé à ce moment-là.
« Le moment venu, je ferai savoir ma position », a dit Macky Sall dans une interview à nos confrères de l’Express. Est-ce qu’il peut attendre la fin de l’année, le mois de décembre par exemple, pour annoncer sa décision ? Ou est-ce que ce sera trop tard ?
Je pense qu’il devra annoncer sa décision un peu plus tôt parce que vous savez, au Sénégal, il y a maintenant la règle des parrainages, et donc les candidats devront se soumettre justement à cet exercice de récolter les parrainages, qui est l’un des critères pour présenter sa candidature au Conseil constitutionnel. Et il me semble que normalement l’exercice de collecte des parrainages aura lieu bien avant le mois de décembre, et donc nous aurons une réponse assez rapidement sur cette candidature ou pas.
RFI