19 avril 2024
Paris - France
AFRIQUE INTERNATIONAL

Soudan : forte mobilisation contre le coup d’État, trois manifestants tués

Des dizaines de milliers de Soudanais sont descendus dans la rue, samedi, contre le coup d’État du général Abdel Fattah al-Burhane, malgré cinq jours de répression meurtrière. Selon un syndicat de médecins, trois manifestants ont été tués à Omdourman, ville-jumelle de la capitale Khartoum.

Nouvelle journée de mobilisation au Soudan. Après cinq jours de répression meurtrière, les opposants au coup d’État militaire manifestaient, samedi 30 octobre, après l’appel des partisans d’un pouvoir aux civils à une démonstration de force contre le général Abdel Fattah al-Burhane.

Dans ce pays dirigé quasiment sans interruption depuis son indépendance, il y a 65 ans, par des militaires, la rue a décidé de dire non au général Burhane. Des dizaines de milliers de Soudanais sont descendus samedi dans la rue pour protester contre le coup d’État du général Abdel Fattah al-Burhane, des protestations émaillées par des violences qui ont coûté la vie à trois manifestants, selon un syndicat de médecins prodémocratie et blessé une centaine.

Dans la capitale Khartoum comme à Kessala dans l’est, les cortèges, au milieu de pneus brûlés, ont scandé « Non au régime militaire » et « Pas de retour en arrière possible », dans un pays sorti en 2019 de 30 années de dictature d’Omar el-Béchir, écarté par l’armée sous la pression de la rue.

D’autres manifestants ont brandi des portraits du Premier ministre déchu et assigné à résidence Abdallah Hamdok, appelant à « ne pas renoncer ». Et des centaines de manifestants ont bloqué un axe à Port-Soudan sur la mer Rouge, poumon commercial du pays.

À Omdourman, ville-jumelle de Khartoum, trois manifestants ont été tués par balles et une centaine blessés par les forces de sécurité, selon un syndicat des médecins prodémocratie.

En début de soirée, les forces de sécurité ont tiré des grenades lacrymogènes sur la foule dans l’est de la capitale, a constaté un correspondant de l’AFP.

En début de soirée, les forces de sécurité ont tiré des grenades lacrymogènes sur la foule dans l’est de la capitale, a constaté un correspondant de l’AFP.

La police soudanaise a de son côté nié avoir tiré sur des manifestants, déclarant à la télévision d’État qu’un policier avait été blessé par balle.

Ces nouveaux décès portent à douze le nombre de personnes tuées et des centaines de blessé, depuis le début des manifestations lundi contre  le coup d’État du général Burhane, chef de l’armée, qui a dissous, lundi, les institutions du pays et arrêté la plupart des dirigeants civils.

Une « manifestation du million »

L’ONU et les États-Unis avaient par avance mis en garde contre l’usage de la violence, estimant que les manifestations de samedi seraient un « test » sur les intentions des militaires.

La réponse de la junte sera scrutée dans le monde entier, avait prévenu un haut responsable américain : « Ce sera un vrai test sur les intentions des militaires », a-t-il dit, mettant en garde contre un déchaînement de violence.

Mais le risque d’un nouveau bain de sang dans un pays miné par les conflits n’entame en rien la détermination des manifestants, assure à l’AFP la militante prodémocratie Tahani Abbas.

« Les militaires ne nous dirigeront pas, voilà notre message », explique-t-elle à l’AFP. Et la « manifestation du million » promise sur les réseaux sociaux et dans des graffitis sur les murs de Khartoum, où les autorités ont coupé Internet, n’est qu’un « premier pas ».

Car dans un pays dirigé quasiment sans interruption depuis son indépendance, il y a 65 ans, par des militaires, la rue a décidé de dire non au général Burhane, qui a dissous, lundi, les institutions du Soudan et arrêté la plupart des dirigeants civils.

Samedi matin, le réseau téléphonique était déconnecté de même qu’Internet. Les forces de sécurité étaient en grand nombre dans les rues et bloquaient les ponts reliant la capitale, Khartoum, aux villes voisines. Elles ont établi des points de contrôle dans les rues principales, fouillant au hasard les passants et les voitures.

L’envoyé spécial du Royaume-Uni pour le Soudan et le Soudan du Sud, Robert Fairweather, a exhorté la sécurité soudanaise à « respecter la liberté et le droit d’expression » des manifestants. « Manifester pacifiquement est un droit démocratique fondamental. Les services de sécurité et leurs dirigeants seront responsables de toute violence envers les manifestants », a-t-il déclaré sur Twitter.

Samedi, un premier défilé est parti d’Omdourman, ville-jumelle de Khartoum, ont indiqué des témoins, alors les forces de sécurité quadrillaient la capitale, bloquaient les ponts la reliant à ses banlieues et fouillaient passants et voitures.

>> Au Soudan, l’impossible partage du pouvoir entre civils et militaires

« Le monde regarde »

Le slogan principal de ses opposants est qu’il n’y a « pas de retour en arrière possible » après la révolte qui a renversé, en 2019, le dictateur Omar el-Béchir, un général lui-même arrivé au pouvoir par un putsch 30 ans plus tôt.

Depuis cinq jours, les Soudanais sont entrés en « désobéissance civile », juchés sur des barricades. Face à eux, les balles réelles ou en caoutchouc et les grenades lacrymogènes des forces de sécurité ont plu, fauchant déjà huit d’entre eux, sûrement plus selon des médecins.

Malgré tout, assure Tahani Abbas, « notre seule arme, c’est le pacifisme et elle a déjà payé ». « Nous n’avons plus peur », martèle-t-elle encore. Car pour les manifestants, qui promettent aussi des défilés de la diaspora à l’étranger, samedi est une redite de la « révolution » de 2019 qui a fait tomber Béchir au prix de six mois de mobilisation et plus de 250 morts.

Cette fois-ci, « les dirigeants militaires ne doivent pas s’y tromper : le monde les regarde et ne tolèrera pas plus de sang », prévient Amnesty International.

De fait, dès vendredi soir, les États-Unis exhortaient l’armée à la retenue. Cette journée, a affirmé un haut responsable, « sera un vrai test sur les intentions des militaires ». Le chef de l’ONU, Antonio Guterres a, lui, enjoint « les militaires à ne pas faire davantage de victimes ».

« Désobéissance civile »

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Ce putsch a coupé court aux espoirs d’élections libres fin 2023 et plongé le pays, qui appartient à une région déjà instable, dans l’inconnu. Tenant bon malgré les rafles, de nombreuses institutions publiques ont annoncé rejoindre la « désobéissance civile » qui a transformé Khartoum en ville morte depuis cinq jours.

Il y a neuf jours déjà, des dizaines de milliers de Soudanais avaient défilé au cri de « Burhane, quitte le pouvoir ! ». Un événement qui a probablement précipité le cours des choses, le général, seul aux manettes aujourd’hui, prétextant avoir agi pour empêcher « une guerre civile ».

Cette fois-ci, les militants veulent des rues plus noires de monde encore, une gageure alors que nombre d’entre eux ont été arrêtés. Mais, affirment des experts, forts de l’expérience de 2019, les manifestants sont aujourd’hui mieux organisés. Et ils ont avec eux une communauté internationale qui a multiplié les sanctions à l’encontre des généraux.

Les États-Unis et la Banque mondiale ont arrêté leur aide, vitale pour le pays pris en étau entre inflation galopante et pauvreté endémique, l’Union africaine a suspendu Khartoum et le Conseil de sécurité de l’ONU exige le retour des civils au pouvoir.

Avec AFP et Reuters

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