RETOUR. Deux ans après avoir supprimé le poste de chef du gouvernement et ses prérogatives, Macky Sall a finalement changé son fusil d’épaule. Explications.
Quand on aspire à l’émergence et qu’on est tenu par l’impératif du résultat, l’urgence des tâches à accomplir requiert de la diligence dans le travail. Ce qui doit être fait aujourd’hui ne peut être remis à demain. Voilà le cap que j’entends fixer aux équipes qui m’accompagneront dans ce nouvel élan de réformes transformatives », c’est par ces mots que le président sénégalais Macky Sall justifiait sa volonté de se passer de Premier ministre, au lendemain de sa réélection (avec 58,26 %) pour un deuxième mandat, en février 2019. Objectif affiché : gagner en efficacité. Dans un contexte de protestations et à la surprise générale, cette réforme controversée avait été aussitôt entérinée par l’Assemblée nationale, au grand dam des détracteurs du président.
Un peu plus de deux ans plus tard, le chef de l’État est en passe de faire le chemin inverse. Mercredi 24 novembre, le Conseil des ministres a indiqué dans un communiqué avoir adopté un projet de révision de la Constitution visant à rétablir le poste. Cette révision réintroduira la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, supprimée en même temps que le poste de Premier ministre en 2019, et restituera le pouvoir présidentiel de dissoudre l’Assemblée nationale, a indiqué le conseil des ministres.
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Rétropédalage
Le texte sera soumis suivant une procédure d’urgence à partir du 30 novembre à l’Assemblée, où le président dispose de la majorité. Le projet est introduit dans un contexte politique et social délicat. Le président a été confronté en mars à des émeutes qui ont fait au moins une douzaine de morts. Les conditions de crise économique qui ont contribué à cette contestation inédite depuis des années ne se sont guère améliorées entre-temps malgré l’éloignement de la pandémie de Covid-19.
Des tensions sont réapparues récemment à l’approche des élections locales de janvier 2022. Celles-ci doivent être suivies de législatives. Les détracteurs de Macky Sall et des analystes politiques lui reprochent un exercice solitaire, sinon autoritaire du pouvoir qui aurait nourri l’exaspération en mars.
En 2019 déjà, l’opposition et une partie de la société civile avaient dénoncé la suppression du poste de Premier ministre comme une tentative de mainmise sur le pouvoir de la part de Macky Sall. Elles lui reprochaient notamment le fait qu’il n’avait jamais évoqué une telle réforme lors de sa campagne présidentielle victorieuse et l’avait annoncée deux jours après avoir prêté serment pour un second mandat. Cette fois encore, la présidence n’a délivré publiquement aucun signe avant-coureur.
En 2019, le pouvoir avait justifié la réforme par la volonté de supprimer les goulots d’étranglement administratifs en vue d’accélérer les transformations économiques de ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest. Rétablir le poste de Premier ministre vient « adapter l’organisation du pouvoir exécutif à un nouvel environnement économique et sociopolitique », dit le conseil des ministres.
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Les priorités s’empilent
Un responsable gouvernemental a aussi évoqué sous couvert d’anonymat auprès de l’AFP la reconnaissance du poids des tâches de coordination gouvernementale, et de la nécessité d’une autre organisation institutionnelle. D’autant plus que le président Sall pourrait être fortement accaparé par la présidence de l’Union africaine qu’il assumera en 2022 et dont il prépare déjà les grandes lignes. Il doit se rendre ces jours-ci en République démocratique du Congo, où il rencontrera le président Tshisekedi, actuellement à la tête de l’UA.
Avant lui, Léopold Sédar Senghor, en 1963, dans le contexte d’une forte opposition à Mamadou Dia, puis Abdou Diouf, entre 1983 et 1991, avaient déjà tenté tous deux l’expérience.
Le Point
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