L’opérateur a nettement revu à la baisse les commissions des points de vente, qui ont lancé une grève de trois jours en réponse. Leurs protestations valent aussi pour Orange, MTN et Moov. Explications.
Le Syndicat national des propriétaires de points de vente mobile money de Côte d‘Ivoire (Synam CI), qui réunit environ 1500 agences, a publié le 1er juin un communiqué annonçant un « arrêt de travail systématique de 72 heures observé sur toute l‘étendue du territoire national à compter du 2 juin ». Le blocage est prévu jusqu‘au 4 juin au soir, et risque d‘empêcher des milliers de transferts d‘argent sur le sol ivoiri
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Des commissions nettement plus faibles
Ce court–circuitage intervient alors que Wave applique depuis le 1er juin une nouvelle grille de commissionnement, qui, selon le syndicat, divise par deux les revenus des intermédiaires. « Notre nouvelle grille intervient dans le cadre du développement de notre activité et est en cohérence avec le volume actuel de transactions, indique à Jeune Afrique, Coura Sène, directrice générale de Wave pour la zone de l‘Union économique et monétaire ouest africain (Uemoa). Dans le domaine commercial, il est admis qu‘un prix unitaire puisse baisser lorsqu‘un certain volume est atteint », complète la dirigeante. Elle assure que pour compenser les manques à gagner, d‘autres axes de rémunérations seront mis en place « comme le partage des revenus de transfert pendant les trois premiers mois après l‘activation d‘un nouveau cliient »
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Depuis le 1er avril, l‘ensemble des opérateurs de mobile money se sont rapprochés de la tarification de Wave. Jusqu‘ici, la marque au pingouin rémunérait ses agents à hauteur de 70 % des 1% de commission qu‘elle prélève à ses utilisateurs lorsqu‘ils transfèrent de l‘argent. En d‘autres termes, sur une transaction de 10 000 francs CFA, un client Wave est prélevé de 100 F CFA, sur lesquels l‘opérateur touchait jusqu‘alors 30 F CFA, après en avoir redistribué 70 à l‘agent, hors taxes.
Une grogne persistante
Ce contexte général de baisse des commissions met sous pression les agents dont la rémunération par MTN, Moov et Orange était définie selon des tranches de montants transférés. Contacté par Jeune Afrique, Mamadou Bamba, directeur général d‘Orange
Côte d‘Ivoire ne pouvait pas répondre à nos questions dans l‘immédiat. Depuis deux mois, les intermédiaires constatent une diminution de leurs bénéfices. « Entre la taxation des entrepreneurs, le comptable, les charges locatives, le personnel et l‘électricité, nos revenus couvrent à peine nos dépenses de fonctionnement », assure Félix Coulibaly, secrétaire général adjoint du Synam–Cl et gestionnaire de quatre agences à Abidjan.
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Créé en novembre 2018, le syndicat n‘en est pas à sa première tentative de pression. À la fin d‘avril, un premier mouvement de protestation est né en lien avec le mode de rémunération des 1% et celui d‘Orange, dont les modes de calculs sont jugés difficilement compréhensibles par les agents : « On ne sait jamais combien on va toucher précisément à la fin du mois », se désespère Félix Coulibaly. Cette première fronde a débouché sur une rencontre, les 19 et 20 mai dernier, entre les représentants des agents de mobile money, les opérateurs, le ministre de l‘Emploi et de la Protection sociale, ainsi qu‘un représentant du ministre de l‘Économie numérique. Les représentants du gouvernement avaient, entre autres, demandé à Wave de revoir sa grille de commissionnement. En vain.
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Crainte d’un scénario sénégalais
Les tensions en cours dans le secteur du mobile money font écho au contexte sénégalais, où le modèle commercial de Wave, aurait contribué à détruire 20 000 emplois dans le pays, aux dires d‘Alioune Ndiaye, président d‘Orange en Afrique et au Moyen–Orient,
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« Dans des économies qui fonctionnent encore beaucoup par argent liquide, il faut pouvoir faire des dépôts et des retraits d‘espèces dans des points physiques pour utiliser le service. Mais l‘actuelle guerre des prix affecte la rémunération des distributeurs pour lesquels l‘activité d‘agent devient moins attractive. Elle peut en pousser certains à interrompre cette activité. Or, sans agents mobile money, pas de mobile money », met en garde un expert du cabinet de conseil spécialisé Sofrecom.
JA