EnquêteLa vague de violences xénophobes frappant les migrants subsahariens en Tunisie fait écho à d’autres raidissements ultranationalistes au Maroc et en Algérie. Les surenchères se nourrissent du jeu d’Etats cherchant à se consolider sous la bannière du souverainisme.
Des barrières métalliques bloquent la rue devant le siège du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) situé aux Berges du Lac, un quartier d’affaires huppé près de Tunis. Malgré la pluie, des enfants jouent entre les tentes et les abris de fortune. Une centaine de réfugiés et de migrants – hommes, femmes et enfants – campe là depuis plus d’un mois.
« Nous ne pouvons plus rester en Tunisie », déplore Mohamed Salah, un Soudanais de 35 ans à la voix posée. Détenteur du statut de réfugié délivré par le HCR – il a fui la répression au Darfour en 2018 –, M. Salah avait pu se poser à Tunis, où il avait trouvé à s’employer sur les chantiers de la ville.
Mais sa vie a basculé le 21 février, lorsque le président tunisien, Kaïs Saïed, s’est lancé dans une diatribe contre les « hordes de migrants clandestins », source, à ses yeux, « de violence, de crimes et d’actes inacceptables ». « Après la déclaration de Kaïs Saïed, c’est devenu infernal », grince M. Salah, qui a aussitôt perdu son travail et son logement. « Nous n’avons plus aucun futur ici », opine Mohamed Ali, un jeune Sierra-Léonais qui, lui aussi, se retrouve à la rue. Et espère, en campant devant le siège du HCR, que la communauté internationale voudra bien l’aider à regagner son pays.
L’infortune qui frappe Mohamed Salah et Mohamed Ali est un symptôme. L’indice d’un nouvel air du temps, celui des crispations identitaires et des raidissements xénophobes, ciblant les ennemis de l’extérieur et leurs « complices » intérieurs. Cette régression national-autoritaire saisit l’ensemble des pays du Maghreb, déclinaison nord-africaine des convulsions réactionnaires qui secouent bien d’autres régions du monde, dont l’Occident, en proie aux démangeaisons illibérales.
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