1 décembre 2024
Paris - France
SOCIETE

« Il faut considérer le rapport Duclert non comme l’aboutissement mais comme le point de départ d’un véritable travail historique »

Tout en saluant le travail réalisé par la commission d’historiens sur le génocide du Rwanda, Frédéric Bozo, professeur d’histoire contemporaine, souligne, dans une tribune au « Monde », quelques problèmes de méthode qui en réduisent la portée.

Tribune. Le rapport de la commission mise en place par le président Macron en avril 2019 à l’occasion du 25e anniversaire du génocide des Tutsi afin d’étudier « le rôle et l’engagement de la France » au Rwanda entre 1990 et 1994 à partir des archives françaises lui a été remis le 26 mars. A la question de savoir si la France doit être tenue pour « complice du génocide », la commission, présidée par l’historien Vincent Duclert, répond que « rien dans les archives consultées ne vient le démontrer ».

Toutefois, la commission attribue aux autorités françaises de l’époque – à commencer par François Mitterrand – un « ensemble de responsabilités » qu’elle qualifie de « lourdes et accablantes » du fait de l’« aveuglement continu » dont elles auraient fait preuve en soutenant le régime rwandais. Dans ses nombreuses interventions médiatiques, c’est sur ces responsabilités « lourdes et accablantes » supposées bien plus que sur l’absence de complicité de la France que Vincent Duclert s’est exprimé, allant parfois au-delà des conclusions mêmes du rapport.

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Au point de sembler revenir sur la non-culpabilité française en insinuant l’existence d’une sorte de complicité « cognitive » dont attesterait « l’impensé du génocide » : « la question est de savoir si l’on peut être complice de quelque chose dont on ne comprend absolument pas l’aboutissement », déclarait-il le 27 mars au Monde – sans l’exclure.

Il y a des manques

Le rapport Duclert représente un travail considérable dont il ne s’agit pas ici de mettre en doute l’apport intrinsèque. Il est toutefois permis à l’historien de pointer de sérieux problèmes de méthode qui conduisent à en relativiser la portée et à en interroger tant les conclusions que l’usage qui peut en être fait – comme y invitent les auteurs eux-mêmes en appelant à « faire preuve d’humilité ».

Trois séries de remarques s’imposent au terme d’une lecture minutieuse du rapport – lecture qui doit porter sur l’intégralité de ses plus de 1 200 pages, y compris les 200 pages de son appareil critique.

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La première porte sur la documentation mobilisée. Il semble peu contestable que la quasi-totalité des archives concernant le rôle de la France – à savoir les documents conservés dans les différents fonds publics – ont pu, à quelques exceptions près, être examinées par la commission. On ne peut néanmoins que constater des manques, qui font du rapport un travail sur archives conséquent mais en aucun cas un travail historique définitif.

 

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