Le 28 juillet, la Cour de cassation française a condamné le vice-président équato-guinéen, Teodoro Nguema Obiang Mangue, dans l’affaire des « biens mal acquis ». Son père menace désormais la France de représailles économiques et diplomatiques.
Quelque part entre la Russie et la Guinée équatoriale, à quelques milliers de pieds au-dessus du commun des mortels. L’ambiance, festive et décontractée, est au champagne. Un homme de 53 ans est tout sourire, en ce 25 juin. Lové dans un fauteuil en cuir, un gâteau à la main, il célèbre son anniversaire avec la joie retrouvée d’un enfant.
À ses côtés, dans l’exigu habitacle du jet privé, Simeón Oyono Esono, le ministre équato-guinéen des Affaires étrangères, et ses collègues de la Sécurité extérieure, Juan-Antonio Bibang Nchuchuma, et des Finances, Cesar Augusto Mba Abogo, s’amusent, eux aussi. Avec Teodoro Nguema Obiang Mangue, vice-président du pays et fils du chef de l’État, difficile de s’ennuyer.
De retour de Moscou, où il a passé – comme souvent – quelques jours, Teodorín, comme on le surnomme, n’a guère l’air inquiet.
Cellule de crise
Moins d’un mois plus tard, le vice-président est revenu sur Terre. Ce 28 juillet, il est entouré de ses plus proches collaborateurs, dans ses bureaux de Malabo.
L’ambiance est plus morose. Son oncle et ministre de la Justice, Juan Olo Mba Nseng, est présent, tout comme Francisco Evuy Nguema Mikou, le conseiller du président chargé de la Justice, et les avocats Jean-Charles Tchicaya et Sergio Esono Abeso Tomo. En ligne depuis l’étranger, le ténor français du barreau Emmanuel Marsigny est lui aussi de la partie.
En France, la Cour de cassation vient de rendre son verdict dans l’affaire « des biens mal acquis » . Comme en première instance en 2017, puis en appel en 2020, Teodorín a été reconnu coupable, condamné à trois ans de prison avec sursis et à 30 millions d’euros d’amende, dans l’affaire dite des « biens mal acquis ».
L’arrêt de la Cour de cassation vient confirmer le jugement en appel de février 2020, qui faisait suite à sa condamnation en première instance, en octobre 2017, par le Tribunal correctionnel de Paris.
Le vice-président équato-guinéen est reconnu définitivement coupable de « blanchiment d’abus de biens sociaux », « blanchiment de détournement de fonds publics » et de « blanchiment d’abus de confiance ». Il est accusé d’avoir détourné des fonds publics en Guinée équatoriale pour acquérir des biens en France, pour une somme estimée à 150 millions d’euros par les juges français. La décision de la cour de Cassation a également confirmé la confiscation de l’ensemble des biens saisis, parmi lesquels un somptueux hôtel particulier situé avenue Foch, à Paris.
Tout au long de la procédure, et jusqu’à la barre des tribunaux, les avocats de Teodorín Obiang ont remis en cause la légitimité de la justice française à se saisir de cette affaire, considérant qu’il s’agissait d’une forme d’ingérence dans les affaires intérieures équato-guinéennes.
Le fils du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a également tenté de faire pression par la voie diplomatique, avant que la Cour de cassation ne rende sa décision. Le 20 avril dernier, le chef de l’État équato-guinéen avait notamment reçu l’ambassadeur de France à Malabo, menaçant alors de rappeler son propre ambassadeur à Paris. Il avait également évoqué une possible rupture des relations diplomatiques entre les deux États en cas de condamnation de Teodorín Obiang.
Jeudi 22 juillet, le gouvernement britannique a édicté une série de sanctions à l’encontre de Teodorín Obiang, l’accusant notamment de « détournement de fonds publics » et de pots-de-vin. Les autorités britanniques, qui estiment que le vice-président équato-guinéen a consacré plus de 500 millions de dollars à l’acquisition de résidences de luxe à travers le monde, d’un jet privé, de voitures et d’objets de collection liés au chanteur Michael Jackson, ont prononcé un gel de ses avoirs au Royaume-Uni, ainsi qu’une interdiction de séjour dans le pays.
Cinq jours plus tard, lundi 26 juillet, Malabo annonçait sa décision de fermer son ambassade à Londres. « Nous n’admettons pas d’ingérence dans les affaires internes de notre pays », avait alors déclaré le ministre équato-guinéen des Affaires étrangères, jugeant que ces sanctions « violent le principe du droit international ». Un précédent récent qui laisse augurer d’un avis de tempête à venir sur les relations entre la France et la Guinée équatoriale.
JA
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