Réapparu à Niamey il y a une semaine, l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne s’est rendu le 21 novembre à Ouagadougou, où il a été reçu par le capitaine Ibrahim Traoré.
Raillé pour son apparence lors de son entretien avec le général Abdourahamane Tiani, le 13 novembre à Niamey, Guillaume Soro avait soigné son look, avec une veste col mao couleur sable bien cintrée, pour rencontrer le président de transition du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré. L’audience a fait l’ouverture du journal de 20 heures de la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB).
Services de renseignement
<< C’est tellement saisissant de voir que je peux fouler à nouveau le sol du Burkina Faso grâce à un gouvernement militaire, là où les gouvernements prétendument démocratiquement élus ont refusé de reconnaître le droit du citoyen ouest–africain que je suis», a–t–il déclaré à l’issue de son entretien à la présidence, dans une déclaration identique à celle prononcée le 13 novembre à Niamey, quelques jours après avoir annoncé mettre fin à son exil.
Arrivé à Ouagadougou en milieu de journée, l’opposant ivoirien avait d’abord rendu visite au capitaine Oumarou Yabre, qui dirige l’Agence nationale de renseignement (ANR) et fait partie des officiers ayant mené le coup d’État d’octobre 2022 aux côtés d’Ibrahim Traoré.
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Logé par le protocole burkinabè, l’ancien président de l’Assemblée nationale a quitté Ouagadougou le lendemain matin pour une destination inconnue en Afrique en l’Ouest, qui ne serait pas Bamako, indique son entourage. Notre source précise que Soro reviendra dans quelques jours au Burkina Faso pour y effectuer de nouveaux entretiens. En fera–t–il sa nouvelle base?
Entre Guillaume Soro et le pays des hommes intègres, l’histoire est ancienne. En 2000, il vit dans une petite maison de Ouagadougou, avec la bienveillance du président Blaise Compaoré. C’est là qu’il peaufine les derniers détails de la rébellion lancée en 2002 depuis Bouaké. Soutenant ouvertement les Forces nouvelles (FN), le régime burkinabè met ses hommes de confiance à leur disposition. Soro se lie d’amitié avec un membre du Régiment de sécurité présidentiel (RSP) dirigé par Gilbert Diendéré : Yacouba Isaac Zida. Chargé d’accueillir à Ouagadougou les officiers en rupture de ban avec Laurent Gbagbo dans les années 2000, il devient leur <«<officier de liaison » à partir de 2002.
L’affaire des écoutes
En 2015, Soro est accusé par ce même Yacouba Isaac Zida, entre–temps devenu Premier ministre du gouvernement de transition, d’être mêlé à la tentative de coup d’État du général Diendéré. Au cœur de ses accusations, plusieurs appels téléphoniques passés à Djibrill Bassolé, ex–incontournable ministre des Affaires étrangères sous Compaoré. Dans l’un des enregistrements, capté par des membres des services burkinabè, les deux hommes évoquent différentes options
pour soutenir les putschistes. Soro et Bassolé ont toujours contesté l’authenticité des écoutes qui les mettent en cause.
La présence de Guillaume Soro, critiquée par certains au
Burkina Faso, qui ne comprennent pas qu’on lui déroule ainsi le tapis rouge, est aussi logiquement scrutée avec attention à Abidjan, qui entretient des relations complexes avec le régime d’Ibrahim Traoré. Le 19 septembre, deux gendarmes ivoiriens ont été arrêtés, dans le village de Kwame Yar, en territoire burkinabè, et transférés ensuite à Ouagadougou, où ils sont toujours
détenus. Des tractations en vue de leur libération sont toujours en cours, ainsi que de discrètes négociations pour bien délimiter la frontière entre les deux voisins. Selon nos informations, Ouagadougou réclame notamment les extraditions de l’ancien directeur administratif et financier de l’ANR et de l’activiste Naïm Touré, qui se cache dans un quartier d’Abidjan.
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En exil depuis 2018, l’ancien Premier ministre est visé par un mandat d’arrêt international et recherché par la justice ivoirienne depuis 2019. Après avoir vécu entre la France, la Belgique, la Turquie et Dubaï, il est réapparu à Niamey mi–novembre. Ses proches assurent qu’il était en contact direct avec le général Abdourahamane Tiani, le président de transition nigérien, qu’il a connu lorsque ce dernier commandait un bataillon onusien en Côte d’Ivoire.
JM. source JA