Les Insoumis sont convaincus d’une chose : seule une gauche « de rupture » permet de faire face au camp conservateur. « Les États-Unis ne pouvaient pas choisir la gauche : il n’y en avait pas. Quand il n’y a plus de gauche, il n’y a pas de limite à droite », estime le fondateur du mouvement Jean-Luc Mélenchon. La défaite de Kamala Harris s’explique selon eux par une campagne trop au centre. « On ne bat pas la droite extrême droitisée avec un programme néolibéral économiquement, mou du genou sur le social, superficiel sur les enjeux démocratiques, opportuniste en matière identitaire, inexistant sur l’écologie, anti-migrants et impérialiste », défend la députée Danièle Obono.

L’un des points de crispations se situe à leurs yeux sur la question palestinienne, la candidate démocrate s’étant montrée prudente sur son soutien à Gaza, soucieuse de ne pas se mettre à dos Israël. « Le camp démocrate américain doit s’interroger sur ses valeurs », tranche le député Aymeric Caron, pour qui « soutenir activement un génocide, permettre la mort et la mutilation de dizaines de milliers d’enfants, rendre possible et défendre le pire de ce que l’humanité peut produire […] mène logiquement à l’échec le camp qui prétend incarner le progressisme ». Bien que, pour l’heure, aucune donnée consolidée ne permette d’étayer la thèse d’un vote sanction sur ce thème ayant fait basculer l’élection.

« Harris a fait du Hollande »

Pour le député ex-LFI François Ruffin, qui plaide inlassablement pour une reconquête des territoires ruraux et populaires, où le Rassemblement national réalise ses meilleurs scores, la défaite de Kamala Harris est le signe « qu’il nous faut une gauche qui, ici comme là-bas, ne peut gagner qu’en étant de gauche. En regagnant les cœurs populaires, les terres ouvrières »« Kamala Harris a fait du Hollande », regrette le député Antoine Léaument, qui explique : « Il y a une inquiétude aussi en France, que certains veuillent suivre cette voie à gauche, une voie molle, souple, qui à la fin amène l’extrême droite au pouvoir ».

D’ailleurs, quand l’eurodéputé socialiste Raphaël Glucksmann livre sa propre lecture des résultats (« L’élection de Trump est l’un de ces moments de bascule qui façonnent l’Histoire »), les Insoumis le prennent à la volée. « Comment pouvez-vous être à ce point à côté de la plaque ?, lui répond Antoine Léaument. C’est la ligne politique que vous portez en Europe et en France qui a mené, aux États-Unis, à la défaite face à Trump »« Défaite de Gluskmann face à Le Pen », schématise d’ailleurs l’ancien député LFI Sébastien Rome. Selon lui, « la perte des classes populaires est flagrante » : « Quand deux candidats sont pour les milliardaires, celui qui tape le plus sur les immigrés a l’avantage ».

« Pas de leçon de morale »

« Kamala Harris a échoué à mobiliser l’électorat populaire nécessaire à sa victoire », s’émeut la présidente du groupe LFI Mathilde Panot dans un communiqué paru à la mi-journée. Elle en est sûre : « Seule une gauche radicale et populaire permet de l’emporter face à l’extrême droite ». Pour le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, les rancunes ne doivent pas reprendre le dessus à gauche. « Le moment n’est pas aux leçons de morale mais à l’affirmation d’un projet pour la France et l’Union européenne, affirme-t-il. La gauche européenne doit revendiquer son propre chemin : internationaliste, humaniste, démocratique, écologiste. Il n’y a de fatalité que dans la résignation ».

Clémentine Autain, qui siège désormais chez les écologistes, reconnaît que « les conditions de l’élection et les pays diffèrent ». Malgré tout, elle appelle elle aussi à « tirer des leçons » : « La défaite des élites, la rupture des dirigeants avec le peuple, la désinformation et l’essor de médias d’extrême droite, nous conduisent au fascisme ».

Jean Moliere / AFP