L‘ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne Guillaume Soro. © Reuters/Charles Platiau
Exilé depuis l‘été 2019 en Europe et condamné à la prison à vie en juin dernier, l‘ex–président de l‘Assemblée nationale ivoirienne Guillaume Soro voit ses proches multiplier les initiatives pour tenter de le réconcilier avec le chef de l‘Etat Alassane Ouattara. Une campagne pour laquelle ils ont sollicité l‘appui du président congolais Denis Sassou Nguesso. En parallèle, plusieurs discussions sont en cours pour rapprocher l‘ancien leader étudiant de Laurent Gbagbo, qui a lui–même récemment renoué avec le dirigeant ivoirien.
COTE D‘IVOIRE : Dans le secret des tentatives de médiations pour réconcilier Soro et Ouattara
C‘est une lettre datée du 28 juillet dernier et envoyée par l‘ex–ministre de la jeunesse ivoirien et allié de Guillaume Soro, Alain Lobognon, au président congolais Denis Sassou Nguesso, alias « DSN« . Dans la missive d‘une page – dont l‘existence est jusqu‘ici restée secrète –, l‘ex–député de Fresco, libéré en juin après dix–huit mois de prison, est aussi explicite qu‘ambitieux : il souhaite solliciter l‘appui du chef de l‘Etat afin d‘engager une médiation entre son homologue ivoirien Alassane Ouattara et Guillaume Soro, dont les relations sont totalement rompues depuis février 2019. L‘ancien président de l‘Assemblée nationale Guillaume Soro, en exil depuis 2019, vit actuellement en Europe. Poursuivi par la justice de son pays pour « complot et atteinte contre la sécurité de l‘Etat« , il a été condamné le 23 juin à la prison à perpétuité. Lobognon n‘a jamais fait mystère de son projet : deux jours seulement après sa libération, il avait déjà déclaré prendre son bâton de pèlerin afin de réconcilier les deux ex-alliés.
Correspondance secrète
Dans sa correspondance avec le maître de Brazzaville, Alain Lobognon écrit : « Je m‘autorise, par la présente note, à solliciter votre énième implication qui devrait permettre d‘obtenir la levée de toutes les sanctions judiciaires contre Guillaume Soro et nos proches encore détenus et un retour en Côte d‘Ivoire, selon les termes que vous aurez pu obtenir et garantir auprès du Président Alassane Ouattara, votre Frère. »
La missive a été remise par l‘ex-cadre du mouvement lancé par Soro, Générations et peuples solidaires (GPS, dissous dans la foulée de la condamnation de l‘ex président de l‘Assemblée nationale en juin dernier) à l‘ancien ministre congolais Alain Akouala, qui a lui–même été chargé de la transmettre à Denis Sassou Nguesso. Successivement ministre de la communication et des zones économiques spéciales (ZES) de DSN entre 2002 et 2017, ce dernier continue de disposer de précieuses entrées au Palais du peuple, et plus largement dans la sous région. Akouala, qui appelle affectueusement Guillaume Soro « commandant en chef« , est un familier de l‘ancien patron du mouvement rebelle des Forces nouvelles (FN) depuis plus d‘une dizaine d‘années.
Le 18 novembre 2018, il s‘était spécialement déplacé dans la capitale économique ivoirienne pour participer au conclave du Rassemblement pour la Côte d‘Ivoire (Raci, dont Guillaume Soro était le président d‘honneur), qui s‘était tenu au
Sofitel Ivoire d‘Abidjan. L‘événement avait notamment été l‘occasion d‘un appel à une candidature à la présidentielle 2020 de Soro, ex–patron de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d‘Ivoire (Fesci).
Sassou, parrain de Guillaume Soro
Ce n‘est pas la première fois qu‘Alain Lobognon s‘adresse à Denis Sassou Nguesso. En janvier 2021, alors qu‘il était toujours emprisonné dans le cadre de la procédure pour « atteinte à la sûreté de l‘Etat » qui visait une vingtaine de proches de Soro, l‘ex–député avait déjà sollicité – sans succès – l‘intervention directe du chef de l‘Etat congolais afin de lancer un cycle de discussions entre Soro et Ouattara.
DSN est un intime de Guillaume Soro – il continue de l‘appeler en privé « mon fils » – depuis le début des années 2000. Les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois en 2003, au plus fort de la guerre civile ivoirienne, alors que Guillaume Soro était à la tête des Forces nouvelles. Le président congolais avait à l‘époque accueilli à Brazzaville plusieurs rounds de négociations dans le cadre des pourparlers de Marcoussis entre la rébellion et le gouvernement ivoirien.
Depuis, Denis Sassou Nguesso a été l‘un des principaux mentors de l‘ancien leader étudiant, qui a notamment adopté les costumes croisés que le dirigeant porte en toute occasion. Interlocuteur également apprécié d‘Alassane Ouattara, DSN a été, tout au long de la rupture entre Soro et le chef d‘Etat ivoirien, un observateur régulièrement consulté. En février 2019, au lendemain de la démission de Soro du perchoir de la chambre haute, il avait ainsi déjà tenté de jouer les go–between entre les deux hommes.
Mais l‘appel de Soro, en novembre dernier, à un retournement de l‘armée contre Alassane Ouattara, a été interprété comme une véritable déclaration de guerre au sein du palais présidentiel ivoirien, qui conditionne désormais toute éventuelle reprise de contact à la présentation d‘excuses publiques de la part l‘ancien leader étudiant.
C‘est ainsi l‘objet central de l‘adresse à DSN d‘Alain Lobognon, qui a directement évoqué à plusieurs reprises et de vive voix son projet de médiation avec le frère cadet d‘Alassane Ouattara et actuel ministre de la défense, Téné Birahima Ouattara, alias « Photocopie”. Dans sa lettre au président congolais, il indique : « Si mes premiers contacts m‘ont permis de noter, auprès du jeune frère du Président de la République, que vous représentez la meilleure [chance] de réconcilier les deux Hommes, j‘ai aussi appris que le Président Ouattara reproche au président Guillaume Soro d‘avoir tenu des propos d‘une extrême gravité à son endroit; aussi seules des excuses sous votre haute autorité peuvent ramener la confiance entre les deux. »
Excuses publiques à Brazzaville
Pour tenter de réconcilier Soro avec Alassane Ouattara, Lobognon a même esquissé un plan : la présentation d‘excuses publiques de l‘ancien leader étudiant depuis Brazzaville. Dans une lettre datée du 5 août et adressée à l‘ex–président de l‘Assemblée nationale ivoirienne via son porte–parole Habib Sanogo, il détaille son projet.
« Il te faut passer par le Président congolais pour aplanir les désaccords avec le Président Alassane Ouattara. Selon le Ministre d‘Etat [Téné Birahima Ouattara), le Président Sassou est le seul Chef d‘Etat à qui le Président Ouattara ne pourra rien refuser« , résume Lobognon, avant de rajouter : « Pour moi, et tu as déjà eu l‘occasion de le faire, il te faudra adresser une déclaration solennelle et officielle, depuis la capitale congolaise, sous le regard bienveillant du Président Sassou, au Président Alassane Ouattara, aux Ivoiriens et à toute la classe politique ivoirienne dans laquelle tu appelleras à taire toutes les ranceurs, à regarder les intérêts des générations futures, et à accorder à la paix en Côte d‘Ivoire une nouvelle chance. »
Les excuses impossibles
Si ce courrier a bien été réceptionné par Guillaume Soro, il n‘a néanmoins fait l‘objet d‘aucune réponse de l‘intéressé. Dans l‘espoir de pouvoir s‘entretenir de vive voix avec l‘homme politique exilé, Alain Lobognon s‘est même rendu à Paris du 31 juillet au 7 août. Mais Soro n‘est pas, à ce jour, disposé à formuler les excuses souhaitées par Alassane Ouattara qui sonneraient, moins d‘un an après l‘appel au soulèvement armé lancé depuis la France, comme un terrible aveu de faiblesse.
En faisant le pari de l‘opposition radicale à Alassane Ouattara, Soro se retrouve cependant isolé sur la scène politique ivoirienne, ce alors que les principaux leaders politiques du pays que sont Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo ont chacun à leur façon repris langue avec Ouattara dans le cadre du processus de « réconciliation nationale« .
D‘autres qui, comme Soro, avaient bruyamment rompu avant la présidentielle de novembre avec le chef d‘Etat, sont finalement revenus à de meilleurs sentiments, à l‘instar de l‘ancien chef de la diplomatie ivoirienne et directeur de cabinet d‘Alassane Ouattara, Marcel Amon Tanoh. Après avoir été particulièrement véhément à l‘encontre de l‘ex–directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI), ce dernier avait finalement présenté des excuses publiques à Ouattara en janvier 2021. Dans le plus grand secret, il a même été reçu le 5 juillet en tête à tête par le président (AI du 12/07/21).
Esseulé, Soro mène depuis le début de l‘année une vie des plus discrètes entre Paris, Genève et Bruxelles : seule une poignée de ses plus fidèles lieutenants sont informés de ses déplacements. Inquiet pour sa sécurité, l‘ancien leader étudiant a même un temps disposé d‘une protection rapprochée. Il est visé par un mandat d‘arrêt émis par la justice ivoirienne au mois de novembre dernier, mais non appliqué par la France. Paris lui avait néanmoins fermement indiqué que sa présence dans l‘Hexagone n‘était pas « souhaitée« . Dans la capitale française, il s‘est entretenu avant l‘été avec plusieurs intimes du président ivoirien.
Le « cas Soro” évoqué par Gbagbo avec Ouattara
Dans les chancelleries européennes à Abidjan, on considère que Soro est aujourd‘hui le grand perdant du processus de réconciliation nationale opéré par Ouattara. Plusieurs initiatives ont néanmoins été lancées cet été pour tenter de rapprocher Guillaume Soro de Laurent Gbagbo. L‘une d‘entre elles, supervisée par le président bissau–guinéen Umaro Sissoco Embaló – qui a connu les deux hommes au début des années 2000 par l‘intermédiaire de l‘ex–président burkinabè
Blaise Compaoré – a néanmoins tourné court.
Les relations entre Soro et Gbagbo restent en effet teintées de méfiance : une partie de l‘entourage de l‘ancien chef de l‘Etat n‘a toujours pas digéré le ralliement du natif du département de Ferkessédougou à Alassane Ouattara en 2010. Si Soro avait tenté de se rapprocher de Gbagbo à l‘automne 2019, les contacts entre les deux hommes sont aujourd‘hui quasi nuls. Pour autant, l‘ex–président ivoirien avait déclaré avoir évoqué le « cas Soro » directement avec Alassane Ouattara lors de leur tête à tête « historique » du 27 juillet. Il a également reçu quelques jours plus tard une délégation des conjointes des prisonniers du GPS, le mouvement de Soro.
Une nouvelle tentative de médiation pourrait néanmoins se matérialiser dans les prochaines semaines sous le haut parrainage d‘Henri Konan Bédié, cette fois–ci. Le 6 août, le « Sphinx de Daoukro » avait publié un programme de 21 points dans lequel il proposait la poursuite des discussions entre les trois grands leaders du pays, en associant dans le cadre de ce dialogue national « tous les acteurs politiques significatifs”, dont Guillaume Soro.
Président en exercice de la Communauté économique des Etats de l‘Afrique de l‘Ouest (Cedeao), le chef de l‘Etat ghanéen, Nana Akufo Addo était en train de boucler sa tournée de deux jours dans le sud–ouest du Ghana quand il a été informé, dans la matinée du dimanche 5 septembre, qu‘une tentative de coup d‘Etat était en cours à Conakry contre le président Alpha Condé.
Soucieux que l‘organisation régionale s‘impose tout de suite comme l‘interlocutrice unique dans la gestion de la crise, il a lancé sur les coups de midi des premières consultations informelles avec la quasi–totalité des chefs d‘Etats de la Cedeao. Il s‘est ainsi entretenu par téléphone aux alentours de 14 h avec le président ivoirien Alassane Ouattara, mais aussi avec le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, très mobilisé sur le dossier, et le Togolais Faure Gnassingbé. Ces échanges se poursuivent à l‘heure actuelle pour aboutir à un communiqué commun. Les présidents du Niger Mohamed Bazoum, du Sénégal Macky Sall et du Nigéria Muhammadu Buhari ont également été consultés.
Le traitement d‘Alpha Condé particulièrement discuté
Si l‘ensemble des chefs d‘Etats de la Cedeao se sont accordés sur une condamnation formelle du putsch via un communiqué, ils ont évoqué la position à adopter sur le traitement réservé à Alpha Condé, arrêté puis emmené hors du Palais Sékoutoureya par des éléments du Groupement des forces spéciales (GPS), une unité d‘élite de l‘armée guinéenne menée par le lieutenant–colonel Mamady Doumbouya. Ancien légionnaire originaire de la région de Kankan, ce dernier est, depuis le 5 septembre, le principal visage du coup d‘Etat.
Les chefs d‘Etats de la Cedeao veulent exiger des putschistes la libération immédiate et sans conditions de leur homologue guinéen, âgé de 83 ans. La divulgation, dans la journée du 5 septembre, de plusieurs clichés et vidéos de Condé, filmé affalé sur un canapé, la chemise ouverte, et entouré de militaires putschistes en battle dress a, par ailleurs, suscité une vague d‘indignation dans plusieurs palais présidentiels.
Un retour au pouvoir jugé hypothétique
Les chefs d‘Etats de la Cedeao ont d’ores et déjà acté l‘organisation d‘un sommet extraordinaire de l‘organisation panafricaine dans les tout prochains jours, au plus
GUINEE : Coup d‘Etat contre Condé : Ouattara, Akufo Addo, Kabore... au coeur du huis clos des chefs d‘Etat
tard le jeudi 9 septembre. La date du 7 septembre a été proposée par Akufo Addo. Durant cette réunion à huis clos, les présidents ouest–africains devront évoquer la mise en place de sanctions – économiques notamment – à l’encontre de la Guinée et des leaders putschistes. La cheffe de la diplomatie ghanéenne, Shirley Ayorkor Botchway planche actuellement sur les contours du sommet qui devrait se tenir en présentiel à Accra.
Résignée, la Cedeao juge un retour au pouvoir d‘Alpha Condé extrêmement hypothétique, ouvrant la voie à une période de transition encore très incertaine. La désignation d‘un envoyé spécial est actuellement à l’étude afin de prendre langue avec les putschistes réunis au sein du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD). Un organe qui a annoncé le 5 septembre la dissolution du gouvernement, la suspension de la constitution et la fermeture des frontières terrestres.
DIPLOMATIE
Sommet Afrique–France : quel sera le programme?
Le Nouveau sommet Afrique–France se tiendra le 8 octobre à la Sud de France Arena à Pérols, près de Montpellier, en présence d‘Emmanuel Macron. Près de 3 000 participants sont attendus pour l‘occasion et plus de 800 invités devraient faire le déplacement depuis le continent africain. Ce sommet au format inédit – aucun chef d‘Etat n‘a été convié – sera tourné vers la jeunesse et les sociétés civiles africaines. Il s‘articulera autour de cinq grandes thématiques : « Sport« , « Nourrir et protéger« , « Entrepreneuriat« , « Culture » et « Engagement citoyen« .
Pour chacune de celles–ci, des personnalités africaines seront amenées à débattre et à partager leur expérience : depuis cet hiver, l‘ensemble des ambassades de France sur le continent africain a notamment été invité à dresser une liste des acteurs influents au sein des sociétés civiles de leurs pays respectifs. En fin de journée, le 8 octobre, le chef de l‘Etat français échangera avec l‘universitaire Achille Mbembe autour de la relation entre la France et l‘Afrique. Un exercice qui se tiendra en présence d‘une dizaine de « jeunes » participants sur un format directement inspiré de celui du discours de Ouagadougou de novembre 2017.
Depuis le départ, mi–avril, de l‘ancienne secrétaire générale (SG) du sommet, Elisabeth Barbier, l‘événement est piloté par la numéro 2 de la cellule Afrique de l‘Elysée, Marie Audouard, en étroite collaboration avec Benoît Verdeaux. Nommé SG du sommet au mois de juillet, ce dernier était jusqu‘à il y a peu directeur adjoint de l‘Agence française de développement (AFD) en Côte d‘Ivoire.
AI