Prosuma, leader ivoirien de la grande distribution, est confronté à une concurrence croissante. Autant de compétiteurs qui parient sur l‘essor du retail moderne ivoirien.
Ouverture de magasins, rachat de supermarchés existants, arrivée d‘un nouveau distributeur, formation de 400 jeunes en cours... Le dynamisme de la grande distribution ne se dément pas en Côte d‘Ivoire. Depuis longtemps, le secteur est dominé par un acteur, Prosuma pour Société ivoirienne de promotion de supermarchés qui, piloté par le tandem Abou Kassam (président) et Karim Fakhry (directeur général), affiche un réseau de 160 magasins répartis en 23 enseignes.
Côte d‘Ivoire : Prosuma, la grande distribution en taille patron
Alors que personne ne conteste sa position de leader, il se joue ces derniers temps une bataille pour la place de numéro deux sur un marché en plein essor et au fort potentiel. Le retail alimentaire ivoirien, traditionnel et moderne, représenterait quelque 2,5 milliards d‘euros par an.
Divergence de vue
Si le challenger historique, la Compagnie de Distribution de Côte d‘Ivoire (CDCI), maintient ses ambitions, il sort tout juste d‘un passage à vide. Dirigé depuis 2002 par l‘entrepreneur ivoiro–libanais Yasser Ezzedine et détenu à 100% par le marocain Retail Holding de Zouhair Bennani depuis 2019, le groupe a été fragilisé par une divergence de vue entre les deux associés qui s‘est soldée par la sortie d‘Ezzedine.
Après son départ, CDCI a engagé une restructuration : fermeture d‘une vingtaine de magasins ce qui a engendré une vague de licenciements, remise à plat de la stratégie centrée sur la promesse d‘offrir les prix les plus bas du marché, investissement dans des solutions informatiques et une plateforme logistique installée dans la zone de PK 26.
Hard discount
« On est paré pour le développement », assure Riad Laissaoui, le directeur général de Retail Holding. À la tête d‘un portefeuille de 122 enseignes, le groupe réaffirme sa volonté d‘ouvrir 20 à 30 magasins par an afin de doubler de taille dans les quatre à cinq ans. Après la dernière inauguration en date, une enseigne de semi–gros à Cocody en juin dernier, il travaille notamment à deux nouvelles ouvertures, dont une à San Pedro.
S‘appuyant sur une équipe maroco–ivoirienne de 1700 personnes conduite par Rachid Doumal, le groupe a l‘avantage d‘être présent sur les trois segments de marché : la vente en gros, son point fort, mais aussi le semi–gros et le détail, qu‘il veut développer. « Nous nous positionnons sur le créneau du mass market et du hard discount plutôt que sur celui du supermarché classique en proposant, par exemple, la vente de lots de produits », explique Riad Laissaoui. Un modèle où les marges resserrées doivent être compensées par d‘importants volumes de ventes.
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Cette stratégie se veut différente de celle d‘un autre compétiteur, CFAO Retail. Arrivé dans le pays en 2015 et aujourd‘hui numéro trois, en terme de nombre de magasins, la branche grande distribution du groupe français dirigé par Richard Bielle et contrôlé par le japonais Toyota Tsusho Corporation (TTC), met en avant une offre moderne, diversifiée, qui promeut la production locale à travers trois concepts : les centres commerciaux (Playce), les supermarchés Carrefour et une enseigne discount, Supeco, « un format qui a explosé avec le Covid–19 », souligne le directeur général de CFAO Retail, Jean-Christophe Brindeau.
Bonne image
Mi–juillet, pour accélérer son essor, CFAO Retail Côte d‘Ivoire, dirigé par Pascal Bordeaux, a racheté les cinq Leader Price gérés depuis 2019 par le Groupe Bernard Hayot (GBH), ce qui lui permet de disposer de 13 points de ventes sept ans après le démarrage de ses activités. L‘un de ses atouts tient à sa bonne image. « Dans notre étude du mois d‘août sur la perception des dix premières enseignes du pays, Carrefour arrive en tête, associée à une image de qualité pour 84 % des sondés », note Julien Garcier, directeur du cabinet Sagaci Research, ajoutant que, selon la même étude, CDCI est l‘une des enseignes les moins bien perçues en termes de qualité.
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CFAO comme CDCI doivent composer avec l‘arrivée de deux autres acteurs, sachant que le paysage compte par ailleurs d‘autres distributeurs plus modestes. Après avoir développé un réseau de 36 magasins au Sénégal, Auchan a fait son entrée sur le marché ivoirien en juin, en ouvrant cinq magasins à Abidjan. Positionné sur un créneau proche de celui de CFAO Retail, il veut combiner approvisionnement local, qualité associée au retail moderne et prix attractifs, insistant sur le rôle structurant des distributeurs dans la construction de filières agricoles et agroalimentaires. Ambitieux mais réaliste, le groupe de la famille Mulliez dispose pour l‘heure d‘une équipe de 200 personnes (dix fois plus au Sénégal), placée sous la direction de Benoît Bouny.
Comment Yasser Ezzedine étend son réseau de distribution en Côte d‘Ivoire
Avant Auchan, Yasser Ezzedine, fondateur du premier centre commercial installé à Abidjan en 1995, Sococe, s‘était lui aussi lancé dans l‘aventure en solo fin 2020, venant concurrencer son ancien associé CDCI avec une enseigne Pro Cash dédiée aux professionnels et aux ménages pariant sur une offre discount. « Il a fait une belle percée en seulement deux ans et connaît très bien le marché pour en être un des acteurs historiques », commente un observateur du secteur.
NOTRE CONCURRENT NUMÉRO UN, C‘EST LE MARCHÉ INFORMEL
Malgré la concurrence croissante, l‘ensemble des acteurs sollicités assurent qu‘il y a de la place pour tout le monde. De fait, le retail moderne, c‘est–à–dire les ventes réalisées en supermarchés, est encore largement minoritaire dans le pays (moins de 20 % de l‘ensemble des ventes alimentaires), la majorité des achats étant effectués sur les marchés traditionnels (formels et informels). « La vraie compétition se joue face au retail traditionnel et non entre les acteurs du retail moderne », assure ainsi Riad Laissaoui. « Notre concurrent numéro un aujourd‘hui, c‘est le marché informel », avance, sur la même ligne, Pascal Bordeaux,
Pouvoir d‘achat
Plus qu‘une guerre pour s‘assurer de la fidélité des clients, les différents acteurs du retail moderne sont engagés dans une course au mètre carré pour étendre leur empreinte et changer les habitudes de consommation. Tous parient sur une structuration progressive de la grande distribution en Côte d‘Ivoire suivant une trajectoire identique à celle déjà observée en Europe ,il y a une soixantaine d‘années, et au Maroc il y a trente ans. Cela dit, il reste des difficultés à surmonter.
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Outre l‘évolution du comportement des consommateurs, l‘essor des distributeurs dépend de l‘accès au foncier, encore compliqué aujourd‘hui mais indispensable pour ouvrir des grandes surfaces, tout autant que de la solidité du pouvoir d‘achat des ménages, un point qui demeure lui aussi délicat.
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