La 29e conférence climatique de l’ONU* s’est ouverte ce lundi en *Azerbaïdjan* par un premier blocage entre différents blocs de pays sur l’ordre du jour, malgré les appels à la coopération, six jours après la réélection de Donald Trump.
L’enjeu principal de cette COP, qui durera jusqu’au 22 novembre, est de *fixer le montant de l’aide climatique des États développés* pour les pays en développement afin qu’ils se développent sans charbon ni pétrole, et puissent affronter plus de *canicules et d’inondations.* Aujourd’hui de *116 milliards de dollars par an* (en 2022), l’aide climatique future doit s’exprimer en *milliers de milliards* annuels, réclament les pays pauvres.
COP29 : l’Afrique, 54 pays, mais une seule voix sur le climat
Tous les pays du continent s’alignent derrière une position commune endossée par les chefs d’Etat. A charge ensuite aux groupes des négociateurs africains de défendre leurs intérêts dans les discussions.
Une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement africains prendront la parole à Bakou (Azerbaïdjan) les mardi 12 et mercredi 13 novembre, au lendemain du lever de rideau de la vingt-neuvième Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP29). Ce « segment de haut niveau », au cours duquel s’exprimeront au total une centaine de dirigeants, est censé donner une impulsion politique à des négociations qui, outre un ordre du jour explosif sur la future aide financière du Nord à l’égard des pays en développement, s’annoncent difficiles avec l’élection de Donald Trump et le probable retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris.
Loin de boycotter le rendez-vous – à l’instar de la Papouasie-Nouvelle Guinée, qui entend dénoncer ainsi l’inutilité du processus onusien – les leaders africains se sont déplacés en nombre. A côté de figures bien connues, comme le président congolais Denis Sassou-Nguesso, qui parlera la question de la protection des forêts tropicales, d’autres personnalités sont attendues. En particulier le président kényan, William Ruto, hôte en septembre 2023 à Nairobi du premier sommet africain sur le climat. Son discours sur la croissance verte et le dépassement du clivage Nord-Sud rassure les pays industrialisés, qui portent la responsabilité historique du dérèglement climatique.
Au-delà des tonalités nationales, l’Afrique peut jouer sa partition dans l’arène climatique parce que ses cinquante-quatre pays parlent d’une seule voix. Au fil des années, ses diplomates ont appris à maîtriser des sujets d’une extrême technicité. « L’Afrique aurait pu bloquer la signature de l’accord de Paris. Elle a accepté de participer à un processus qui lui demande de participer à la réduction des gaz à effet de serre sans garantie de contreparties, rappelle Marta Torres Gunfaus, directrice du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales, à Paris. Son unité lui a permis de pousser des sujets, comme celui de l’adaptation, mais face aux pays industrialisés ou aux grands émergents, sa capacité d’influence demeure encore limitée. »
Un équilibre entre négociateurs
Le groupe des négociateurs africains, qui rassemble des délégués de chaque pays et dispose d’un solide secrétariat, est la cheville ouvrière de cette position commune, endossée avant chaque COP au niveau des ministres de l’environnement, puis des chefs d’Etat, comme ce fût le cas en septembre, en marge de l’assemblée générale des Nations unies à New York. Si, in fine, ce sont les ministres qui montent au front sur les sujets les plus difficiles dans la dernière ligne droite des négociations, le gros des décisions adoptées repose sur l’équilibre trouvé en amont entre négociateurs des 195 Etats membres de la convention.
Des crédits dans l’idée de réduire les émissions de CO2
Les crédits carbone sont générés par des activités qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique. Il s’agit par exemple de projets de plantation d’arbres, de protection des écosystèmes absorbant le carbone comme les forêts ou les tourbières, de remplacement des cuisinières à bois ou encore de remplacement d’énergies polluantes, comme le charbon, par du solaire ou des éoliennes. Concrètement, leurs initiateurs revendiquent d’absorber ou de stocker plus de CO2 que si ces projets n’existaient pas, et associent à ce CO2, sous certaines conditions, des crédits carbone.
Un crédit équivaut à une tonne de CO2 empêchée de rentrer dans l’atmosphère ou éliminée de celle-ci, et peut être acheté par un acteur, qu’il soit étatique ou non, pour lui permettre de « compenser » ses propres émissions de CO2, c’est-à-dire de réduire sur le papier son empreinte carbone.
Des marchés lancés il y a près de trente ans
Cette possibilité d’échange a été lancée dans la foulée du protocole de Kyoto(Nouvelle fenêtre), signé en 1997. Le document parlait alors de « droits d’émissions », permettant « aux pays riches d’acheter des réductions d’émissions aux pays en développement, via des crédits carbone », explique l’ONG Carbon Market Watch(Nouvelle fenêtre). Puis en 2015, à l’occasion de la COP21 et de la signature de l’accord de Paris, deux nouveaux marchés du carbone, instaurés par l’article 6 du traité(Nouvelle fenêtre), les ont remplacés.
Le premier permet à un pays « bon élève », s’il va au-delà des objectifs nationaux de réduction des émissions qu’il avait promis, de vendre son surplus de réduction à un autre pays dans le cadre d’un accord bilatéral. « Par exemple, si un pays s’est engagé à réduire ses émissions de 100 tonnes de CO2e [tonnes d’équivalent CO2], mais les réduit en réalité de 110 tCO2e, il aura la possibilité de vendre les 10 tCO2e supplémentaires à un autre pays qui n’aura pas réussi à atteindre ses propres objectifs », illustre Carbon Market Watch. Les pays en développement comptent notamment dessus pour se financer et les pétroliers y voient un moyen peu coûteux de tendre vers le « net zéro » émission. « Avant même que l’encre n’ait complètement séché sur les règles, des pays se sont déjà lancés. Il y a déjà plus de 40 contrats [d’intention] signés », rapporte Lola Vallejo, qui suit les négociations à Bakou pour l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Elle cite les exemples de Singapour ou de la Suisse, également référencés par l’Association internationale pour l’échange de droits d’émission (Ieta)(Nouvelle fenêtre).
Le second élargit la possibilité, avec des échanges possibles entre pays et entreprises privées. Mais, point de discorde depuis 2015, les détails d’application de ces mécanismes attendaient encore d’être arrêtés. Jusqu’à maintenant, ce marché s’était donc développé seul, en dehors de toutes règles, et a été principalement utilisé par des entreprises désireuses de « compenser » leurs émissions et de revendiquer leur neutralité carbone. A l’occasion de la COP26 de Glasgow, un organe de surveillance onusien a été créé pour « élaborer et superviser » des règles, décrit l’ONU sur son site(Nouvelle fenêtre). Et ce sont ses recommandations que la COP29 a adoptées lundi. Les nouveaux critères décrivent notamment la méthodologie pour calculer le nombre de crédits qu’un projet donné peut générer, et ce qui se passe si le carbone stocké est perdu, par exemple si la forêt concernée brûle. Mais d’autres textes officiels devront encore être forgés pour pleinement établir un marché fiable.
Une solution vivement critiquée pour son inefficacité et ses risques
Mais le dispositif est vivement décrié. Si le paragraphe 6.1 de l’accord de Paris affirme que ces mécanismes « volontaires » sont destinés à « relever le niveau d’ambition » des pays, ses détracteurs dénoncent un passe-droit donné à certains pour ne pas réduire leurs propres émissions. Plusieurs études ont également montré l’inefficacité de nombreux projets, certifiés par des organismes privés peu rigoureux, parfois au détriment des populations locales. « L’absence de normes, de régulations et de rigueur sur le marché volontaire des crédits carbone est très inquiétante » et ceux-ci ne doivent pas « miner les efforts réels de réduction des émissions », avait ainsi déclaré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors de la COP27.
Si les crédits carbone définis dans l’article 6 sont vus comme des droits à polluer, c’est un gros problème pour le climat. Si on voit ça comme un outil limité, avec beaucoup de garde-fous, alors ça peut être intéressant. »
Réagissant à l’adoption des nouvelles règles à la COP29, l’ONG Reclaim Finance a enfoncé le clou : « Les systèmes de crédits carbone (…) se sont révélés à maintes reprises truffés de fraudes, incapables de réduire les émissions et profitant davantage aux négociants en carbone et autres intermédiaires qu’aux communautés qui ont besoin d’un financement pour lutter contre le changement climatique. Il n’y a aucune raison de croire que ces nouvelles règles seront différentes », a déclaré Paddy McCully, analyste au sein de l’ONG.
D’autres associations ont quant à elle pointé du doigt le processus d’adoption. La méthode par laquelle les textes ont été poussés à la conférence climatique était, selon elles, peu transparente. Oil Change International a ainsi critiqué une décision prise « sans débat ou examen du public ». Isa Mulder, experte des marchés mondiaux du carbone chez Carbon Market Watch, a de son côté évoqué un « accord en catimini » avec de « nombreuses questions encore sans réponse ». « Ce n’est pas la fin de l’histoire, il y a encore du travail à faire pour que ces marchés délivrent la promesse faite », résume Lola Vallejo.
Depuis le XIXe siècle, la température moyenne de la Terre s’est réchauffée de 1,1°C. Les scientifiques ont établi avec certitude que cette hausse est due aux activités humaines, consommatrices d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Ce réchauffement, inédit par sa rapidité, menace l’avenir de nos sociétés et la biodiversité. Mais des solutions – énergies renouvelables, sobriété, diminution de la consommation de viande –
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