13 janvier 2025
Paris - France
AFRIQUE

Au Soudan du Sud, la lutte des habitants noyés sous les eaux du Nil Blanc

Inondations au Soudan du Sud: 893.000 personnes affectées, plus de 241.000 déplacées, selon l’ONU

Le Nil blanc déborde tous les ans, mais jamais aussi abondamment par le passé. Les experts relèvent que des précipitations anormales ont eu lieu le long du fleuve, conduisant à un volume d’eau inattendu au barrage de Jebel Aulia, situé à quelque 260 kms de là, près de Khartoum.

D’après un premier bilan du ministère de la Santé soudanais concernant les inondations liées à la saison des pluies, 132 personnes sont mortes et 10 Etats ont été touchés.

Le nord du Soudan est à nouveau plongé dans le chaos, alors que des inondations majeures continuent de ravager la région, faisant des dizaines de morts et de disparus.

Déjà meurtrie par un conflit armé, la famine et une récente épidémie de choléra, la population soudanaise fait face à une autre tragédie. Le pays se retrouve aujourd’hui confronté à des pluies inhabituelles qui ont provoqué l’effondrement d’un barrage, compromettant la gestion des crues et aggravant la situation pour des milliers de Soudanais.

Le porte-parole de la défense civile soudanaise, Qureshi Hussein, a annoncé que 31 personnes ont perdu la vie dans le nord du pays à la suite des inondations, et ce nombre ne cesse d’augmenter. La situation est d’autant plus critique que le manque de fonds et de moyens compliquent les secours. Sur place, seuls quelques véhicules de construction sont disponibles pour aider à traverser les eaux déchaînées et réparer les routes. Les habitants doivent donc improviser des moyens de fuite et de survie, tandis que des communautés entières s’organisent pour se soutenir mutuellement.

Pour ceux qui ont survécu, l’épreuve est loin d’être terminée. Beaucoup se retrouvent sans abri, et les témoignages de personnes déplacées dépeignent une situation désespérante. Ibtehal Abdullah, une femme déplacée par la catastrophe, raconte comment les inondations ont englouti son village :

« Au début, l’eau est montée lentement, puis peu à peu, nous avons vu les maisons et les murs s’effondrer. Dieu merci, nous avons réagi à temps. De chez nous, nous ne pouvions pas voir l’ampleur des dégâts sur tout le village, mais nous avons entendu parler de maisons qui s’effondraient et de certains quartiers complètement détruits. Je me trouve actuellement devant la maison de mon grand-père et je suis venue ici en tant que personne déplacée. C’est la maison où je venais depuis mon enfance et je me souviens de ses moindres détails. Maintenant qu’elle s’est effondrée, je suis bouleversée ».

Ibtehal, comme des milliers d’autres, est contrainte de trouver refuge ailleurs, loin de son foyer désormais réduit à néant.

Pour éviter de dormir dans les rues, les villageois se démènent pour trouver des solutions temporaires. Yassin Abdul Wahab, un autre habitant ayant perdu sa maison, décrit les efforts désespérés qu’il déploie pour mettre sa famille à l’abri :

« Nous travaillons actuellement à la construction d’un abri pour la famille en utilisant des matériaux issus des maisons effondrées, tels que des tuyaux ou des débris de toiture. Nous utiliserons cet abri jusqu’à ce que les secours arrivent si Dieu le veut. »

Les inondations et les fortes pluies de ce mois-ci au Soudan ont affecté plus de 317 000 personnes, dont 118 000 ont été déplacées. Ces chiffres viennent s’ajouter à l’une des pires crises de déplacement au monde, conséquence de la guerre qui ravage le pays.

« Le Soudan au point de rupture », prévient l’OIM, face à la famine et aux inondations qui accentuent les déplacements massifs

Port-Soudan – La situation humanitaire au Soudan est à « un point de rupture catastrophique » selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).    

Cette mise en garde ferme intervient au moment où la famine et les inondations s’ajoutent à la liste des défis auxquels sont confrontés des millions de personnes qui luttent pour faire face à la plus grande crise de déplacement au monde après 16 mois d’un conflit brutal.   

Au cours de la semaine dernière, le Comité de revue de la famine de la Phase du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) a fait état de conditions de famine dans le camp de Zamzam, près de la ville d’Al Fasher, au Darfour Nord, où vivent un demi-million de personnes en situation de déplacement. Le camp est confronté à une pénurie alimentaire extrême, qui se traduit par une montée en flèche des taux de malnutrition et de mortalité. Presque toutes les personnes déplacées à l’intérieur du Soudan (97 %) se trouvent dans des localités où l’insécurité alimentaire est aiguë, voire pire.  

Selon les récentes statistiques, le nombre de personnes en situation de déplacement continue de croître, avec plus de 10,7 millions de personnes cherchant à se mettre à l’abri à l’intérieur du pays, beaucoup d’entre elles ayant été déplacées deux fois ou plus. Les combats dans l’État de Sennar ont déplacé à eux seuls plus de 700 000 personnes le mois dernier, dont 63 % étaient originaires d’autres États, la majorité de Khartoum.   

Cette situation est aggravée par des inondations généralisées qui ont provoqué le déplacement de plus de 20 000 personnes depuis le mois de juin dans 11 des 18 États du Soudan. Des infrastructures essentielles ont été emportées par les eaux, ce qui entrave encore l’acheminement de l’aide humanitaire vitale.    

« Ne nous y trompons pas, ces conditions persisteront et s’aggraveront si le conflit et les restrictions d’accès humanitaire se poursuivent », a déclaré M. Othman Belbeisi, Directeur régional de l’OIM pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.  

« Sans une réponse immédiate, forte et coordonnée au niveau mondial, nous risquons d’assister à des dizaines de milliers de décès évitables dans les mois à venir. Nous sommes à un point de rupture, un point de rupture catastrophique, cataclysmique ».  

Les conditions humanitaires et de protection au Soudan sont parmi les pires au monde. Le conflit en cours est marqué par des niveaux effroyables de violations des droits, de ciblage ethnique, de massacres de populations civiles et de violence sexiste.   

Au cours des trois prochains mois, selon les estimations, 25,6 millions de personnes seront confrontées à une insécurité alimentaire aiguë en raison de l’extension du conflit et de l’épuisement des mécanismes de survie. Le Comité de revue de la famine a déjà mis en garde contre le risque de famine dans de nombreuses autres régions du Soudan.   

Les restrictions d’accès humanitaire, notamment les obstacles imposés par les parties au conflit, ont sévèrement réduit les capacités des organisations humanitaires à intensifier leur action et à sauver des vies, en particulier pendant la saison des pluies actuelle. Malgré ces restrictions, l’OIM et ses partenaires continuent d’intervenir et ont apporté une aide vitale à plus de deux millions de personnes depuis le début du conflit.   

Un financement urgent est nécessaire pour intensifier la réponse et atteindre ceux qui ont encore désespérément besoin de nourriture, d’abris, d’eau, de services de santé et d’une protection spécialisée.  

The monumental crisi MAINA / AFP)
Réchauffement climatique : au Soudan du Sud, les habitants face à la montée des eaux
Avec le dérèglement climatique, le Nil blanc est en crue au Soudan du Sud. Trois mille familles ont dû fuir leur village et 300 d’entre elles sont installées sur des îles artificielles.

Pour la cinquième année consécutive, le Nil blanc est en crue, conséquence directe du réchauffement climatique. Il inonde désormais les deux tiers du Soudan du Sud. Les habitants ont dû s’adapter et ont créé des îles artificielles. Trois mille familles habitaient sur la terre ferme avant les inondations, il en reste moins de 300 sur des îles. « Nous les avons construites en empilant des herbes et de la boue », explique Sultan Makech Kuol Kuamy, chef du clan des Akwaks.

L’un des pays les plus vulnérables au changement climatique

Sur une des îles, 26 personnes s’entassent dans deux huttes. Elles manquent de tout, tous les troupeaux sont morts et les champs sont détruits. Il leur reste du poisson séché et un peu de canne à sucre. Le Soudan du Sud est un des pays les plus vulnérables au changement climatique, en raison de sa topographie, mais aussi des précipitations record de ces dernières années. Des habitants construisent une nouvelle île à mains nues.

Soudan du Sud : ces pêcheurs qui vivent sur des îles construites de leurs mains

Le Soudan du Sud sous les eaux  Dans la plaine du Nil, des habitants résistent à l’avancée des marécages en érigeant des plateformes d’herbe et de terre.

Des jacinthes et des amas de tiges mortes dérivent sur l’eau grise, égayant l’immensité humide d’où dépassent des toits de maisons abandonnées et de grands arbres dépourvus de feuilles. Entre les herbes et les papyrus aux fleurs cotonneuses, mille canaux serpentent. L’espace est plat, un brin monotone. C’est le Sudd : une étendue marécageuse qui se répand dans la plaine inondable du Nil, au cœur du Soudan du Sud, et rogne toujours plus les terres habitables.

Les communautés disposant de peu de ressources ou de capacités d’adaptation sont confrontées aux pires conséquences de ces phénomènes météorologiques de plus en plus inhospitaliers. Le temps presse pour les pays les plus vulnérables au changement climatique, qui sont aussi ceux qui abritent ou accueillent le plus grand nombre de personnes déracinées.

L’attention mondiale étant ailleurs, la crise prolongée et chroniquement sous-financée que connaît le Soudan du Sud nécessite un soutien urgent.

Jean Moliere. source   UN News

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