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Accueil de familles de réfugiés : en Bretagne, la commune de Callac se déchire

Des manifestants arrivent à la manifestation, déguisés, en réference a la guerre de vendée, lors du rassemblement contre le projet Horizon, à Callac, le 5 novembre 2022.

ReportageA Callac, dans les Côtes-d’Armor, le maire voulait revitaliser sa commune en favorisant l’installation de familles de réfugiés. Mais le projet de l’élu a divisé ses administrés, aujourd’hui à couteaux tirés.

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Depuis son bureau, dans un gros bâtiment fonctionnel tout droit sorti des années 1950, le maire jette un œil vaguement inquiet sur l’extérieur. Les gendarmes, précise-t-il, lui ont conseillé de flouter ses fenêtres. « Des fois qu’un sniper veuille me tirer dessus… » Mais Jean-Yves Rolland, 65 ans, élu (sans étiquette) à Callac, dans les Côtes-d’Armor, en 2020, ne semble pas disposé à obscurcir les vitres de la pièce. Et ce, en dépit des menaces qui s’accumulent depuis qu’il a annoncé, au printemps, qu’il souhaitait favoriser l’installation de familles de réfugiés dans sa commune. « Tu vas crever, collabo », lui a-t-on écrit. « La seule chose qui attend le maire, c’est une balle dans la tête », a-t-il entendu dire. « C’est la catastrophe, ça tourne au tragique. Je suis la cible de tous les fascistes », soupire l’élu.

Jean-Yves Rolland, agriculteur à la retraite, pensait pourtant avoir trouvé la martingale pour revitaliser ce gros bourg rural de 2 200 habitants, planté en Centre-Bretagne. Eloignée des principaux axes et des grandes villes, la commune ne cesse de voir sa population diminuer et compte nombre de retraités et d’inactifs. Alors, quand le fonds de dotation Merci lui présente, au début de 2022, le projet « Horizon », il voit une opportunité à saisir. Le principe est simple : il s’agit d’accueillir progressivement, sur dix ans, des familles réfugiées avec le soutien et l’accompagnement de Merci. Le fonds servirait de levier pour attirer subventions et soutiens privés, aiderait à rénover des bâtiments et faciliterait la création de nouveaux services : une crèche, une librairie ou une ressourcerie. « C’est une réponse à de nombreux enjeux locaux, rappelle Laure-Line Inderbitzin, adjointe au maire. L’idée est simple : rajeunir, redynamiser notre Centre-Bretagne en accueillant de nouveaux habitants. Et, répétons-le, les personnes réfugiées sont une chance pour nos territoires, avec leurs compétences et leurs talents. »

Et des emplois vacants les attendent, affirme le maire. Dans une ville qui comptait, selon l’Insee, 17,6 % de chômeurs en 2019, l’annonce surprend. « Il n’y a pas de place dans les Ehpad, les ouvriers agricoles vont travailler dans le Finistère… Où sont ces emplois ? », s’agace Josiane Norrée, Callacoise opposée au projet. « On a fait une enquête, rétorque le maire. En octobre 2021, il y avait soixante-dix-huit emplois non pourvus à Callac. »

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Des rumeurs ne tardent pas à prospérer dans la commune. « On a dit que le cinéma allait devenir une mosquée », relate, effaré, le gérant, Erwan Floch’lay, 37 ans, favorable au projet. Des habitants redoutent un choc des cultures parce que « l’eau et l’huile, ça ne se mélange pas ». D’autres ont peur que la délinquance ne s’installe, « comme à Nantes ». Et ces « millions d’euros » qui tombent du ciel, pourquoi ne les a-t-on pas consacrés à des projets destinés aux jeunes de la région ? A ce stade, il est encore trop tôt pour évaluer avec précision le montant de l’investissement, tempère Chloé Freoa, directrice déléguée du fonds de dotation Merci, créé en 2009 par un couple d’entrepreneurs qui a fait fortune avec une marque de prêt-à-porter pour enfants.

AFP

 

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