La junte d’Abdourahamane Tiani a réitéré ses accusations envers la France, qui aurait, selon elle, tenté de la renverser. Paris nie, mais s’inquiète en coulisses de certaines données publiées par Niamey. Celles–ci pourraient provenir de fuites au sein des services de renseignement.
DGSE
<<Le problème, c’est qu’ils ont visiblement eu accès à des données internes de la DGSE et qu’ils les ont intégrées à leur scénario.>>
Boulevard Mortier, au siège parisien de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, renseignements français), les images n’ont pas fait sourire. En septembre, la Radio télévision du Niger (RTN) a rendu publique une présumée tentative de coup d’État orchestrée par la France contre la junte d’Abdourahamane Tiani – tentative qui aurait été déjouée.
Codes utilisés par les renseignements français
Le sujet a été abondamment relayé par les télévisions au Mali et au Burkina Faso, puis publié sur les réseaux sociaux de l’Alliance des États du Sahel (AES). Il fait état de mouvements de ressortissants français, présentés comme des agents de la DGSE, au Niger et dans les pays voisins, comme le Bénin et le Nigeria, des pays qui
auraient servi de base arrière à la tentative de déstabilisation.
Le scénario comporte certaines incohérences. Un premier sujet diffusé en août par la RTN présentait même une vidéo censée démontrer l’implication d’un agent français, mais qui était en réalité une image floutée d’Evgueni Prigojine, ancien financier du groupe Wagner, devant des mercenaires russes. Mais certains éléments ont cependant retenu l’attention des experts.
Au Sahel, le blues de la DGSE française face aux putschistes
Pour appuyer son scénario, qui a été nié officiellement par Paris, la RTN expose en effet un certain nombre de documents et de données liées à des prétendus agents
français ayant été en activité ou en séjour au Niger ou dans les pays voisins en 2023 et 2024 : photos, passeports diplomatiques ou ordinaires, dates et lieux de
naissance…
Mais, parmi les éléments publiés par la RTN, des numéros d’identification qui, selon nos sources, correspondent bel et bien à des codes utilisés par l’administration du renseignement français, en interne.
« Données internes »
Comment de telles informations sur des employés de la DGSE se sont–elles retrouvées entre les mains des Nigériens? L’affaire est prise très au sérieux à Paris, où une enquête a été discrètement ouverte par le directeur, Nicolas Lerner, lequel a remplacé en janvier 2024 Bernard Émié.
<< Le problème n’est pas que les Nigériens montent une campagne contre la DGSE en créant une fausse opération de déstabilisation menée par des Français, qui travaillent parfois simplement pour des ONG. Le problème, c’est qu’ils ont visiblement eu accès à des données internes de la DGSE et qu’ils les ont intégrées à leur scénario »>, analyse une source sécuritaire à Paris.
Contactée par Jeune Afrique, la DGSE a expliqué suivre le dossier, mais n’a pas souhaité faire de commentaire concernant une éventuelle fuite de données. Quelques jours plus tôt, un responsable du Quai d’Orsay, également sollicité par nos soins, avait quant à lui refusé de commenter les accusations lancées par le Niger, ne souhaitant pas y apporter de crédit.
Jean Moliere / JA
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