Alors que les frappes russes se poursuivent sur les infrastructures civiles, le chef de l’Etat évoque « les garanties de sécurité » à accorder à Moscou après la guerre.
La saillie n’a rien d’une gaffe. Elle exprime plutôt une conviction profonde d’Emmanuel Macron. La phrase prononcée par le chef de l’Etat en vue d’offrir des « garanties de sécurité » à la Russie, quand les combats cesseront, a suscité un tollé dans l’Est du continent européen, plus de neuf mois après l’invasion russe de l’Ukraine. « Qu’est-ce qu’on est prêt à faire pour donner des garanties pour sa propre sécurité à la Russie le jour où elle reviendra à la table des négociations ? », s’est interrogé le chef de l’Etat, dans un entretien sur TF1, samedi 3 décembre. « Un des points essentiels, c’est la peur que l’OTAN vienne jusqu’à ses portes, c’est le déploiement d’armes qui peuvent menacer la Russie », a-t-il expliqué, semblant reprendre les arguments avancés par Moscou pour justifier son offensive.
L’Ukraine n’a pas tardé à réagir, au moment où la Russie s’acharne à détruire ses infrastructures civiles dans le but de saper le moral de sa population, en la privant de chauffage et d’électricité cet hiver. « Quelqu’un veut fournir des garanties de sécurité à un Etat terroriste et meurtrier ? », a lancé le secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense ukrainien, Oleksi Danilov, sur Twitter.
Pour le vice-ministre polonais des affaires étrangères, Marcin Przydacz, M. Macron « commet une erreur en disant ce qu’il dit ». « Vladimir Poutine a une structure mentale qui fait que toute tentative de contact, d’apaisement, le renforce psychologiquement », a-t-il observé dans un entretien diffusé en Pologne. Le vice-premier ministre letton, Artis Pabriks, estime pour sa part que l’idée de donner des garanties de sécurité à la Russie « revient à tomber dans le piège du récit de Poutine selon lequel l’Occident et l’Ukraine sont responsables de la guerre ».
« Discours illisible et inaudible »
Les propos rappellent ceux prononcés en mai par Emmanuel Macron, lorsqu’il avait invité à « ne pas humilier » Moscou, alors que nombre des alliés de l’Ukraine souhaitent en premier lieu la défaite de la Russie sur le terrain, c’est-à-dire son retrait complet des territoires occupés, y compris la Crimée, annexée unilatéralement en 2014. A chaque fois, les mots du chef de l’Etat mettent à mal ses relations avec les capitales de l’Est du continent, en dépit du soutien militaire, diplomatique et financier que la France apporte à l’Ukraine. Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, parle d’un « discours illisible et inaudible, et surtout contreproductif pour son propre agenda européen ».
Le Monde.fr